Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/310

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en avait fait des détails du duc, et qui étaient autant de satires sur la conduite de celle du garde-des-sceaux. « Il croit ou feint de croire, disait-elle, que les prêtres exigeront mon renvoi avec scandale, mais Quesnay et tous les médecins disent qu’il n’y a pas le plus petit danger. »

» Madame m’ayant fait appeler, je vis entrer la maréchale de Mirepoix qui, dès la porte, s’écria : « Qu’est-ce donc, Madame, que toutes ces malles ? Vos gens disent que vous partez. — Hélas ! ma chère amie, le maître le veut, à ce que dit M. de Machault. — Et son avis à lui, quel est-il ? — Que je parte sans différer. » Pendant ce temps je déshabillais seule Madame qui avait voulu être plus à son aise sur une chaise longue.

« Il veut être le maître, dit la maréchale, votre garde-des-sceaux, et il vous trahit : qui quitte la partie, la perd. » Je sortis : M. de Soubise entra, M. l’abbé ensuite et M. de Marigny. Celui-ci, qui avait beaucoup de bontés pour moi, vint dans ma chambre une heure après. J’étais seule. « Elle reste, dit-il, mais motus ; on fera semblant qu’elle s’en va pour ne pas irriter ses ennemis. C’est la petite maréchale qui l’a décidée ; mais son garde (elle appelait ainsi M. de Machault) le paiera. » Quesnay entra, et, avec son air de singe, ayant entendu ce que l’on disait, récita la fable d’un renard qui, étant à manger avec d’autres animaux, persuada à l’un d’eux que ses ennemis le cherchaient pour hériter de sa part en son absence. Je ne revis Madame que bien tard, au moment de son coucher. Elle était plus calme, les choses allaient de mieux en mieux, et Machault, infidèle ami, fut renvoyé. Le roi revint à son ordinaire chez Madame. J’appris par M. de Marigny que l’abbé avait été un jour chez M. d’Argenson pour l’engager à vivre amicalement avec Madame, et qu’il en avait été reçu très-froidement. « Il est fier, me dit-il, du renvoi de Machault qui laisse le champ vide à celui qui a le plus d’expérience et d’esprit ; et je crains que cela n’entraîne un combat à mort. »

» Le lendemain, Madame ayant demandé sa chaise, je fus curieuse de savoir où elle allait, parce qu’elle sortait peu, si ce