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Note (C), page 33.

« Tout le monde parlait d’une jeune demoiselle dont le roi était épris. Elle s’appelait Romans et était charmante. Madame savait que le roi la voyait, et ses confidentes lui en faisaient des rapports alarmans. La seule maréchale de Mirepoix, la meilleure tête de son conseil, lui donnait du courage. « Je ne vous dirai pas qu’il vous aime mieux qu’elle ; et si, par un coup de baguette, elle pouvait être transportée ici, qu’on lui donnât à souper, et que l’on fût au courant de ses goûts, il y aurait pour vous peut-être de quoi trembler. Mais les princes sont, avant tout, des gens d’habitude ; l’amitié du roi est la même pour vous que pour votre appartement et vos entours ; vous êtes faite à ses manières, à ses histoires ; il ne se gêne pas ; il ne craint pas de vous ennuyer : comment voulez-vous qu’il ait le courage de déraciner tout cela en un jour, de former un autre établissement, et de se donner en spectacle au public par un changement aussi grand de décoration ? » La demoiselle devint grosse : les propos du public, de la cour même alarmaient Madame infiniment. On prétendait que le roi légitimerait son fils, donnerait un rang à la mère. « Tout cela, dit la maréchale, est du Louis XIV : ce sont de grandes manières qui ne sont pas celles de notre maître. » Les indiscrétions, les jactances de mademoiselle Romans la perdirent dans l’esprit du roi. Il y eut même des violences exercées contre elle dont Madame est fort innocente. On fit des perquisitions chez elle, on prit ses papiers ; mais les plus importans, qui constataient la paternité du roi avaient été soustraits. Enfin la demoiselle accoucha, et fit baptiser son fils sous le nom de Bourbon, fils de Charles de Bourbon, capitaine de cavalerie. La mère croyait fixer les yeux de toute la France, et voyait dans son fils un duc du Maine. Elle le nourrissait et allait au bois de Boulogne, chamarrée des plus belles dentelles, ainsi que son fils qu’elle portait dans une corbeille. Elle s’asseyait sur l’herbe dans un en-