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Réfutation des opinions antérieures relatives aux causes de la mort du dauphin de France, de la dauphine, de la reine et de madame de Pompadour, par M. d’Angerville, auteur de la Vie privée de Louis XV.

« Nous n’ignorons pas les bruits qu’on a fait courir sur la plupart de ces morts successives, toutes extraordinaires, quoique toutes différentes, toutes lentes, toutes prévues, toutes fixées à des époques certaines, déterminées et périodiques en quelque sorte ; mais nous les regardons comme le fruit uniquement de l’imagination exaltée de quelques politiques avides d’anecdotes romanesques, et croyant les forfaits les plus périlleux aussi aisés à exécuter qu’à concevoir. Ces bruits ont pris leur source dans une première supposition que l’assassinat de Louis XV était le résultat d’un complot profond. Et comme le crime ignoré doit toujours s’attribuer à celui qui en recueille le fruit, on avait porté l’horreur jusqu’à soupçonner l’héritier présomptif du trône. Malheureusement, ou plutôt heureusement, ce qui commence à mettre en défaut les combinaisons de ces scrutateurs sinistres, c’est que madame de Pompadour se trouva la première dans la chaîne des victimes ; c’est qu’on ne peut croire raisonnablement que la même main qui aurait empoisonné cette favorite, eût empoisonné le dauphin, madame la dauphine, la reine ; c’est qu’alors il faut admettre à la cour deux sectes d’empoisonneurs, qui, luttant tour à tour l’une contre l’autre, se seraient exercées à l’envi à commettre des atrocités, et l’auraient fait sans autre fruit que l’impunité ; tandis que le roi, du moins par son silence, autorisant ces exécrables jeux, aurait joui du plaisir barbare de voir immoler autour de lui les personnes les plus chères, spectacle qui, par sa longueur et l’effroi qu’il répandait, à moins de donner à Louis XV le cœur d’un Néron ou la dissimulation d’un Tibère, aurait été un supplice perpétuel pour lui, un supplice insoutenable, même pour le plus affreux scélérat. Telles sont les con-