Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/46

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roi de France. Comme homme privé il avait sa fortune personnelle, ses intérêts de finances à part.

    répondit-il. — La cour de François Ier était-elle fort belle ? — Très-belle ; mais celle de ses petits-fils la surpassait infiniment ; et du temps de Marie-Stuart et de Marguerite de Valois, c’était un pays d’enchantement, le temple des plaisirs ; ceux de l’esprit s’y mêlaient. Les deux reines étaient savantes, faisaient des vers, et c’était un plaisir de les entendre. » Madame lui dit en riant : « Il semble que vous ayez vu tout cela. — J’ai beaucoup de mémoire, dit-il, et j’ai beaucoup lu l’histoire de France. Quelquefois je m’amuse, non pas à faire croire, mais à laisser croire que j’ai vécu dans les plus anciens temps. — Mais enfin vous ne dites pas votre âge, et vous vous donnez pour très-vieux ? La comtesse de Gergy qui était, il y a cinquante ans, je crois, ambassadrice à Venise, dit vous y avoir connu tel que vous êtes aujourd’hui. — Il est vrai, Madame, que j’ai connu, il y a long-temps, madame de Gergy. — Mais, suivant ce qu’elle dit, vous auriez plus de cent ans à présent ? — Cela n’est pas impossible, dit-il en riant ; mais je conviens qu’il est encore plus possible que cette dame, que je respecte, radote. — Vous lui avez donné, dit-elle, un élixir surprenant par ses effets. Elle prétend qu’elle a long-temps paru n’avoir que vingt-quatre ans. Pourquoi n’en donneriez-vous pas au roi ? — Ah ! Madame, dit-il avec une sorte d’effroi, que je m’avise de donner au roi une drogue inconnue ! il faudrait que je fusse fou. »

    » Je rentrai chez moi pour écrire cette conversation. Quelques jours après, il fut question entre le roi, Madame, quelques seigneurs et le comte de Saint-Germain, du secret qu’il avait pour faire disparaître les taches des diamans. Le roi se fit apporter un diamant médiocre en grosseur, qui avait une tache. On le fit peser ; et le roi dit au comte : « Il est estimé six mille livres, mais il en vaudrait dix sans la tache. Voulez-vous vous charger