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acheté au Parc-aux-Cerfs, à Versailles, une assez jolie maison où il logeait avec une de ces maîtresses obscures que l’indulgence ou la politique de madame de Pompadour avait tolérées, pour ne pas perdre ses droits de maîtresse en titre[1].

    On ne savait pas d’où venait cet homme si riche, si extraordinaire, et le roi ne souffrait pas qu’on en parlât avec mépris ou raillerie. On l’a dit bâtard d’un roi de Portugal.

    » M. de Saint-Germain dit un jour au roi : « Pour estimer les hommes, il ne faut être ni confesseur, ni ministre, ni lieutenant de police. » Le roi lui dit : Et roi. — « Ah ! Sire, dit-il, vous avez vu le brouillard qu’il faisait il y a quelques jours, on ne se voyait pas à quatre pas. Les rois, je parle en général, sont entourés de brouillards encore plus épais, que font naître autour d’eux les intrigans ; et tous s’accordent dans toutes les classes pour leur faire voir les objets sous un aspect différent du véritable. » — J’ai entendu ceci de la bouche du fameux comte de Saint-Germain, étant auprès de Madame incommodée et dans son lit. »

    (Note de l’édit.)

  1. « La tradition et le témoignage de plusieurs personnes attachées à la cour, dit M. de Lacretelle le jeune, ne confirment que trop les récits consignés dans une foule de libelles relativement au Parc-aux-Cerfs. Il paraît que ce fut dans l’année 1753 que commença cet infâme établissement. On prétend que le roi y faisait élever de jeunes filles de neuf ou dix ans. Le nombre de celles qui y furent conduites fut immense. Elles étaient dotées, mariées à des hommes vils ou crédules.

    » Les dépenses du Parc-aux-Cerfs se payaient avec des acquits au comptant. Il est difficile de les évaluer ; mais il ne peut y avoir aucune exagération à affirmer qu’elles coûtèrent plus de cent millions à l’État. Dans quelques libelles, on les porte jusqu’à un milliard. »

    Nous craignons que M. de Lacretelle n’exagère un peu les