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l’étiquette[1]. Un jour que la maréchale de Mouchy la fatiguait de questions sur l’étendue qu’elle voulait accorder aux dames pour ôter ou garder leur manteau, pour avoir les barbes de leurs coiffures retroussées ou pendantes, la reine lui répondit en ma présence : « Madame, arrangez tout cela comme vous l’entendrez ; mais ne croyez pas qu’une reine, née archiduchesse d’Autriche, y apporte l’intérêt et l’attention qu’y donnait une princesse polonaise, devenue reine de France. »

La princesse polonaise, à la vérité, ne pardonnait pas le moindre écart sur le profond respect

  1. On reproche si souvent à Marie-Antoinette d’avoir dérogé à la sévérité des anciens usages, qu’il faut bien répondre encore une fois à cette accusation par des faits. Jamais prince ne fut plus rigide observateur des lois de l’étiquette que Louis XIV ; et, dans ses dernières années, la pruderie de madame de Maintenon tendait à renforcer encore ce penchant au lieu de l’affaiblir. Eh bien ! que ceux qui ne pourraient pardonner à Marie-Antoinette de légères infractions au cérémonial comparent sa conduite à celle de la duchesse de Bourgogne.

    « Cette princesse, dit madame la duchesse d’Orléans dans ses Mémoires, était souvent toute seule dans son château, sans ses gens ; prenant une des jeunes dames sous le bras, elle courait sans ses écuyers et sans ses dames d’honneur et d’atours. À Marly et à Versailles, elle allait à pied, sans corset ; entrait à l’église et s’asseyait auprès des femmes de chambre. Chez madame de Maintenon, on n’observait point de rang, et tout le monde s’y asseyait pêle-mêle ; elle faisait cela à dessein pour qu’on ne remarquât pas son propre rang. À Marly, la dauphine courait la nuit avec tous les jeunes gens dans le jardin jusqu’à trois ou