Page:Canora - Poèmes, 1905.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
la lente épreuve

Et j’ai gardé ton amour
Sans te rendre ma vie à son dessein soumise…
Je suis ta triste amie, et mon cœur est allé
Battre près de ton cœur quand tu l’as appelé…

Mais nous savions, dès lors, que devant la nature
Et parmi les humains nous irions séparés,
Que ce qui ferait naître en l’un des larmes pures
Demeurerait pour l’autre un trésor ignoré,
Que nous n’aurions jamais la volupté suprême
Lorsque la lune pâle inonderait le ciel,
De nous fondre, tous deux, en un baiser de miel
Pour n’être plus qu’un souffle, en murmurant : « Je t’aime ! »

le poète

Nous le savions, hélas, la nuit de nos adieux,
Quel souvenir ! nos voix défaillantes, nos yeux
Las de pleurer, nos cœurs affolés de détresse,
Des feux rouges tremblaient, au loin, dans l’ombre épaisse…
Nos derniers pas errants… Le morne clapotis
Des vagues sur le quai d’un port. Et tu partis
Élevant ta main pâle, et les froides ténèbres
S’effondrèrent sur toi comme un voile funèbre.

la femme

Pourtant l’aurore douce a caressé les mers,
Ceignant ton front pesant d’une auréole rose,