Aller au contenu

Page:Canora - Poèmes, 1905.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
163
la splendeur d’aimer

 

le poète


Femme, n’as-tu pas vu le long des routes blanches,
Passer un voyageur mystérieux et las ?
Les pêchers frais fleuris dont il frôle les branches
Le couvrent de leur neige rose. Les lilas
Tendent hors des enclos leurs grappes. Des murmures
Traversent les sentiers dans l’ombre des sapins…
Qu’importe au voyageur, s’il rêve une masure
Dont le maître, au cœur bon, lui donnerait du pain !
Tel sans voir les couleurs, les formes, sans entendre
Les voix et les chansons du monde… sans pouvoir,
Mieux qu’un insecte vil, mieux qu’un roseau, comprendre
La beauté qui fleurit entre l’aube et le soir
Ou percer les secrets mystérieux des causes…
Sans toi, je n’étais plus qu’une obscure douleur,
Car le poète, hélas, n’aime l’âme des choses
Que s’il la peut surprendre au miroir de son cœur !

la femme


Il est vrai, comme aux golfes bleus, les balancelles
Vers le ciel écrasant tendent leurs tristes ailes
Sans qu’un souffle léger les porte à l’horizon…
Comme aux matins ardents, sans goutte de rosée,
Laissant s’appesantir leur corolle épuisée,
Les myosotis las penchent sur les gazons…