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à l’abbé Faguy pour lui annoncer mon prochain retour… Écrire à M. l’abbé Faguy ?… Pauvre insensé que je suis ! se reprocha-t-il. Que de lettres, depuis quinze ans, n’ai-je pas écrites à ce vénérable ami, sans jamais oser les confier à la poste, de crainte qu’elles ne fussent interceptées ! M. l’abbé Faguy doit être mort aujourd’hui, car le cher homme avait une santé si délicate…

Puis, s’exaltant, il s’écria : non, je n’écrirai pas ! non, je n’irai pas me livrer à la justice aveugle des hommes ! J’irai dans mon pays, soit ! mais pour y continuer, dans l’obscurité, la vie que je mène ici…

J’irai finir mes jours sur les bords de la rivière Saint-Charles, à Québec ; sur ce coin de terre qui rappelle à tout Canadien-français de si touchants souvenirs ! C’est là, au fond de la riante vallée, dit l’historien, qu’est le berceau de la colonie ; c’est là que se trouve l’empreinte des pas du découvreur, du premier colon, du premier missionnaire ; c’est là qu’est le site de la première croix, du premier fort, du premier couvent ; en un mot, c’est l’unique centre d’où rayonnèrent longtemps sur le reste du pays, les lumières de l’Évangile et de la civilisation !

Oui, j’irai à Québec ; car Québec, c’est plus que Sainte-R…, plus que Montréal : c’est à la fois la tête et le cœur de la patrie canadienne-française !