— Non, mon bon Duval, non ; mais si un autre prisonnier, plus malheureux que coupable, vient habiter cette cellule après moi, sa solitude s’animera des souvenirs que je lui lègue, et vous lui raconterez mon histoire, comme vous m’avez raconté celle de l’infortuné Capel.
— Je le ferai pour vous obéir, madame ; mais Dieu veuille que je n’en voie plus souffrir qui vous ressemblent !
Trop émue pour répondre, j’ai mis une main dans celle
du brave Duval, et j’ai tendu l’autre au concierge, à sa
femme et à ses enfants, accourus pour me dire adieu.
Gomme je montais en voiture, Clémentine m’a montré
les détenus pour dettes qui agitaient leurs mouchoirs aux
grilles de la prison en me souhaitant bon voyage et longue
vie.
Longue vie ! Pauvres gens ! Ils ne comprennent pas ce qu’il y a de cruel dans un pareil souhait, formé à pareil moment.
XI
La voiture a traversé d’abord le quartier haut de la ville, habité par les ouvriers de la manufacture d’armes* La plupart étaient sur le seuil de leurs ateliers : ils attendaient mon passage pour m’encourager d’un mot énergique ou naïf, comme ils avaient coutume de le faire chaque fois que j’allais subir une nouvelle épreuve devant mes juges.
Arrivée sur la promenade qui longe la Corrèze, j’y ai trouvé échelonnés tous ceux qui, sans me connaître, aimaient mon malheur et m’entouraient à Tulle de leurs sympathies. Hors d’état de rendre à chacun d’entre eux son salut et son souhait, j’ai relevé mon voile pour qu’ils vissent au moins que je pleurais en les quittant.
Les dernières maisons du faubourg dépassées, le postil-