Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/108

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était dompté. Il ne demandait rien autre chose que de lui baiser la main, de l’appeler Emma tout court. Emma lui accorda cette faveur à leur troisième rendez-vous.

Loin de vouloir brusquer le dénouement, Velard s’attardait dans un alanguissement délicieux, il s’exagérait encore son amour, se persuadant que jamais personne au monde n’avait ressenti un amour aussi dévoué, aussi profond, aussi pur. Il méprisait tous ses amis parce qu’il les supposait incapables d’un pareil sentiment. « Ce Moussac, qui vit avec des cabotines usées, traînant depuis des années d’homme en homme ; ce Verugna, qui racole des danseuses dans les bals des boulevards extérieurs, qui les habille et les étale à son bras ; tant d’autres qui s’abrutissent avec des créatures nulles, vaniteuses, détraquées, bêtes comme des oies. »

Il se trouvait supérieur à tous ces gens-là d’aimer éperdument une femme comme Emma et de la conquérir lentement.

Son amour lui servait même d’excuse pour toutes les canailleries que, si jeune, il avait déjà commises, pour tous les clients qu’il avait jetés dans des affaires véreuses, pour la manière ignoble dont il s’était conduit avec d’autres femmes.

C’était justement la docilité amoureuse de Velard qui rendait cette aventure agréable à Emma. Elle ne vint pas un jour, et elle le retrouva au rendez-vous suivant, plus ému et plus empressé. Velard devait toujours l’attendre une heure, au cas où quelque incident imprévu la retarderait.

Et quand il se promenait ainsi le long du trottoir, inquiet et énervé, il se rappelait qu’il venait de rouler abominablement un malheureux client, pas très fort