Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/123

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Et il ajouta philosophiquement :

— Comment veux-tu qu’un homme dans la position de Verugna, directeur d’un des plus grands journaux de Paris, plus influent qu’un ministre, se préoccupe de ces bêtises-là ?

Emma le regarda une seconde pendant qu’il fermait sa valise à clef.

Il partit le lendemain matin, à huit heures. Elle voulut l’accompagner à la gare, rentra, s’occupa de son ménage, déjeuna seule.

Son rendez-vous avec Velard était à deux heures, chez lui. Après déjeuner, elle sortit.

« Il fait beau, je vais y aller à pied, se dit-elle, par le parc Monceau et les Champs-Élysées. »

Elle flâna d’abord, pensant à Farjolle, regardant les images aux devantures des boutiques. Place Clichy, elle s’approcha d’un rassemblement causé par un accident de voiture et écouta des conversations. Puis, elle prit les boulevards extérieurs, dont les arbres maigres luisaient au soleil. Elle marcha plus vite.

Elle revoyait la figure attendrie de Velard quand elle lui avait dit, hier : « À demain, chez vous, deux heures. » Il devait compter les minutes, le petit. L’avait-il assez suppliée ? « Vous serez aussi libre chez moi qu’ici, et vous ne ferez que ce que vous voudrez. »

Oui, en allant ainsi chez lui, dans son appartement de garçon, à un rendez-vous d’amour, Emma sentait qu’elle restait maîtresse de la situation, que le résultat de l’aventure dépendait d’elle absolument. Elle pouvait, encore là, sur le canapé, tromper ou ne pas tromper Farjolle, à sa guise. Velard lui obéirait sur un signe, sur un mot, sans rien oser.