Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/196

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accoudée à l’oreiller, pleura silencieusement, et Farjolle, la prenant entre ses bras, lui dit des paroles affectueuses et consolantes, comme si elle eût été malade. Bientôt elle ne pleura plus, et une tendresse infinie la saisit. Il leur semblait à tous deux qu’ils venaient d’échapper à quelque malheur, un incendie, ou un naufrage, et que leur amour, consolidé par une épreuve douloureuse, serait dorénavant plus fort et plus profond.

Cette nuit fut leur véritable nuit de noces, la nuit où ils se sentirent indissolublement attachés.

Au matin, ils ouvrirent la fenêtre et regardèrent. À leurs pieds, la Seine, éblouissante de soleil, se traînait dans la verdure, et leur cauchemar de la veille s’évanouit, à ce spectacle de la nature indifférente et pacifique.

Emma voulut faire une promenade en voiture avant déjeuner. Ils prirent la carriole qui leur servait d’habitude pour aller à la gare de Mantes, et Emma conduisit elle-même.

— J’ai envie de boire du lait à la ferme, dit-elle.

La ferme des Ardoises était située à une lieue et demie environ de la Maison-Verte, sur une hauteur, au milieu d’un bois. Le propriétaire, M. Lequesnel, habitait, tout contre la ferme, une bâtisse à laquelle une grille dorée valait dans le pays le titre de château. Il y vivait seul avec une gouvernante.

M. Lequesnel inspectait la ferme quand il vit les deux jeunes gens. Il les salua.

— Donnez-vous la peine d’entrer, Madame. Me ferez-vous le plaisir de venir visiter ma petite propriété ?

— Excusez-nous, Monsieur. Ma femme désirait boire