Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/21

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sez bien qu’à vingt-neuf ans, je n’en suis pas à ma première bêtise. Mais je n’ai jamais pris le premier venu et je ne me suis pas donnée à tort et à travers, comme Joséphine que voici.

— Oh ! Madame, hasarda Joséphine, une grande de vingt-deux ans, très paresseuse.

— Vous êtes idiote, ma chère, à votre âge et avec une figure pareille… mais oui, un brin de toilette, vous seriez gentille.. Vous êtes idiote de traîner dans les bals avec des pas grand’chose. Je ne vous conseille pas la vertu, ça ne me regarde pas, et d’ailleurs il est trop tard. Seulement soyez raisonnable et ménagez-vous. Un jour, vous aurez peut-être besoin de votre frimousse, et vous l’aurez usée dans les bastringues. Vous ne supposez pas que vous vous tirerez d’affaire en repassant des chemises, n’est-ce pas ?

Les ouvrières, attentives et intéressées, souriaient :

— Voulez-vous que je vous avoue tout, continua la patronne. Eh bien ! j’ai vingt-neuf ans, je suis plutôt bien, hein ?…

— Rudement bien ! murmura Joséphine.

— Et vous me croirez si vous voulez, j’ai eu quatre hommes, pas un de plus, pas un de moins. Le premier, à dix-huit ans, pour commencer, quand je travaillais chez une modiste, rue Nollet, aux Batignolles. Il m’a duré trois ans ; il était très gentil : je ne sais pas ce qu’il est devenu. De vingt et un à vingt-cinq ans, deux autres. Je ne vous donne pas de détails, c’est toujours la même chose. À vingt-cinq ans, un chef de bureau du ministère est devenu amoureux de moi ; j’ai demeuré avec lui jusqu’à l’année dernière. Il n’avait pas beaucoup d’argent, mais j’ai tout de même trouvé le moyen de