Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/229

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nous, je crois que vous n’aurez pas à vous en repentir… Seulement, si vous me promettiez de ne parler de cela à personne, le service serait cent fois plus grand…

— Je n’en parlerai pas, c’est entendu. Mais il est entendu aussi que dans huit jours, juste…

Le commandant sortit en serrant la main de Farjolle, assez froidement, et en secouant la tête.

Désappointé, inquiet, furieux contre l’humanité entière, il retourna au cercle, erra autour des tables de jeu. Il répondit sur un ton brusque à des amis qui lui demandaient des nouvelles de sa santé, et l’on en conclut qu’il était témoin dans quelque affaire d’honneur délicate qui ne s’arrangeait pas à sa convenance. Le banquier, un Espagnol très riche, tenait la banque avec une déveine inouïe : il perdait tous les coups. « C’est trop fort, dit le commandant, de ne pas pouvoir jouer ; je gagnerais ce que je voudrais sur cette banque, avec mon système. »

Les deux tableaux passèrent sept ou huit fois chacun : le commandant entra dans une colère épouvantable. Enfin, les pontes perdirent un coup : cela l’apaisa. Mais la déveine du banquier reprit de plus belle et il y eut encore une passe de quatre sur chaque tableau.

— J’aime mieux m’en aller ! s’écria le commandant.

Et comme le banquier se levait, les cartes étant épuisées, il lui dit :

— Vous perdez une somme énorme, Monsieur, énorme. Eh bien ! vous me croirez si vous voulez, je ne gagne pas un sou sur vous. Non, Monsieur, pas un sou, continua-t-il en jetant un regard furibond.

En quittant la salle de jeu, le commandant heurta Brasier :