Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/252

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elle eut froid, s’enveloppa d’un peignoir, et ses larmes, causées par la brusque secousse de la séparation, s’arrêtèrent. Alors elle fut stupéfaite de la rapidité de cet événement. On ne conduit les gens en prison que pour des crimes ou des vols : il était impossible que Farjolle eût volé, lui dont tout le monde vantait la conduite sérieuse dans les affaires. Combien de fois avait-elle entendu faire l’éloge de son mari ! D’après ses vagues explications, elle devinait bien que Farjolle, ayant joué l’argent du commandant à la Bourse, l’avait perdu. Ça, c’était un malheur, une déveine, une affaire manquée ; mais Emma ne pouvait comprendre qu’il y eût là dedans un délit quelconque, un vol. « Il a bien perdu notre argent en même temps. C’est donc une mauvaise affaire qu’il a faite, voilà tout. »

Pourtant, on ne vous met pas en prison pour une mauvaise affaire. Il y avait autre chose, évidemment. Quoi ? Elle ne tarderait pas à le savoir puisque Farjolle lui écrirait.

Sortir ? à neuf heures du matin, c’était de la folie. Et puis, voir qui ? Quoi dire ? Quelles démarches tenter dans cette circonstance qui restait pour elle mystérieuse et inexplicable ? Elle attendrait les nouvelles chez elle, sans bouger.

Emma enleva son peignoir et se recoucha. La chaleur douce du lit l’envahit et elle se remit à pleurer. Elle murmura : « Que se passe-t-il donc, mon Dieu, et lui, où est-il maintenant ? » Elle sonna la bonne :

— Les journaux sont-ils là ?

— Oui, Madame.

Elle y jeta un coup d’œil machinalement. Peu à peu, elle s’assoupit, son sommeil fut agité et un cau-