Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/89

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de cigarettes ne se comptaient pas. On soupait quand on voulait, assis ou debout, au hasard.

Ce qui faisait le charme de ces réunions, c’est que Moussac en écartait soigneusement les intrus, les coureurs de fête et les amis trop décavés. Rien de gênant, dans une soirée, comme d’être « tapé » par un invité, opération que Brasier qualifiait de « tapage » nocturne. Certes, Moussac connaissait sur le pavé de Paris une quantité de pauvres diables besogneux, agents de publicité sans clients, journalistes sans place, compagnons de sa misère d’autrefois ; à l’occasion même il les secourait de cent sous ou d’un louis et leur promettait de s’occuper d’eux, mais il les tenait à distance le plus aimablement du monde. S’il traitait quelque ancien camarade, c’était au restaurant, jamais chez lui. Avenue de l’Opéra, il ne venait que des gens ayant une situation, de la fortune, de la tenue, un nom enfin dans une spécialité, théâtre, finance, journalisme, courses. Tous les invités étaient plus ou moins liés entre eux, beaucoup se tutoyaient. Ils se retrouvaient au cercle, aux premières, à la Bourse.

Par les femmes, les fêtes de Moussac méritaient aussi leur incontestable réputation parisienne. Pas de nouvelles venues, pas d’aventurières, sorties on ne sait d’où, éclaboussant les passants un jour et sur la paille le lendemain. Les femmes se connaissaient toutes entre elles, ainsi que les hommes ; elles vivaient en commun depuis des années, et leur histoire ne contenait pas de mystères. La plupart avaient eu les mêmes amants et les transitions s’étaient généralement effectuées sans scandale. Un ou deux duels par-ci par-là, mais pas d’issue fâcheuse, les deux adversaires réconciliés sur le