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L’Amant surpris

à P. P. Girieud

Lestement, l’amant de Madame grimpa jusqu’au grenier car les chiens aboyants et fumants précédaient leur maître dans la cour. Il arriva, botté, le fusil en bandoulière, la gibecière plate, et sa femme l’accueillit avec un sourire ambigu, son beau regard et ses mains blanches tandis qu’il s’excusait du désir amoureux qui, l’ayant pris dehors, ne le quittait point. Elle se dérobait. Ses lèvres gardaient encore la saveur d’une caresse aimable et son être entier frissonnait dans l’attente d’un plaisir dont elle était friande.

Dans le grenier, le pauvre amant se morfondait. Il ouvrait une lucarne par désœuvrement et la pluie se mettait à tomber sur les champs. L’horizon fléchissait. Les tilleuls de la cour frémissaient. Un souffle frais faisait crépiter sur les

tuiles tièdes l’ondée légère et tout s’assombrissait hormis ce bruit chanteur d’eau vive qu’en haut l’amant surpris se désolait d’entendre, qu’en bas le maître du logis appréciait fort justement.

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