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Promenoir

Le promenoir est une avenue : on y foule du pied le tapis vaste, épais, sableux, le beau tapis rouge. On y rencontre des gens qui errent comme vous, qui regardent, qui causent, qui fument ou qui cherchent. Si l’on s’arrête, une femme vous enveloppe. C’est tout un manège, les débutantes sont exclues. Il y a la science du promenoir.

Elle demande un long entraînement. Il faut savoir marcher à petits pas, se cambrer juste et faire valoir. Les femmes évitent de stationner sous la lumière trop dure : elles la traversent. Le coin est là sur un fond chaud de palmes vernies et de velours. Alors, le visage émerge de tout un fouillis, la silhouette est bien posée.

L’homme s’approche. Ils sont nombreux avec le même désir. Ceux qui ont bu, ceux qui n’ont pas bu… Les autres, peu sûrs d’eux mêmes, conduisent une fille dans une loge. Ils envahissent les bars à l’entr’acte et, de leurs hauts tabourets, regardent la foule. La foule ne les regarde pas. La foule s’absorbe dans un intense frémissement.

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