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Quadrilles

Au Moulin Rouge, les huit danseuses du quadrille relèvent la jupe de drap qu’elles tendent sur les hanches. Puis elles repoussent leurs dessous d’un geste professionnel et partent ensemble du même pied.

Je regarde flotter, dans une atmosphère alourdie de vapeurs, de larges et vives retombées de guirlandes, de fleurs et de drapeaux. Un mouvement très lent fait osciller de telles richesses. Les lampes électriques ont des feux diversement colorés : bleu, rouge, orange, émeraude et safran. Mais cela ne donne qu’une intense clarté de saphir, chaude et brillante ou de minces fumées de cigarettes s’embrouillent.

Les danseuses arrivent de front sur le rythme d’instruments aigus. C’est une vague dont l’écume tourbillonne, c’est une vague qui s’épanouit en huit roses blanches aux longs pistils agiles et noirs. La vague retombe sur ses pieds. La silhouette des femmes se détache un moment — nette et cambrée — sur le fond flou.

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