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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/156

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présent à la mémoire ; il les ramenait l’un à l’autre et ils avaient beau faire, ils avaient beau n’en point parler, c’était ce crime qui décidait de tout et s’imposait à eux.

On s’en fut aisément convaincu chez Lampieur pour peu qu’on en eût pris la peine car, lui aussi, avait changé. Son humeur, ses façons devenaient excessives : il n’en était plus maître. Il avait des moments terribles. Certains soirs, quand il se levait dans la chambre et s’habillait, une affreuse détresse se lisait dans ses yeux. Tout lui était égal… Il n’avait aucun goût à vivre. Son accablement devenait si pénible qu’on s’en apercevait. Puis, une espèce de rage s’emparait quelquefois de lui. Elle n’avait pas d’objet précis mais la moindre des choses la faisait éclater et Léontine la subissait sans se plaindre, tellement sa pitié pour Lampieur se réveillait alors et l’emplissait de soumission. Lampieur ne pouvait pas ne pas s’en rendre compte. Mais cela, justement, le mettait hors de lui et il s’acharnait d’autant plus après la malheureuse qu’elle ne lui tenait pas tête et n’avait pas l’air de lui en