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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/63

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et qu’il reprît à vivre un anxieux plaisir… Déjà, qu’il le voulût ou non, c’était presque un plaisir… Et il avait beau ne pas y être préparé, il en savourait l’impression et ne parvenait pas à s’en défendre.

— Alors ? demanda M. Fouasse.

Lampieur serra la main que lui tendait le débitant par-dessus le comptoir et avança son verre.

— Attendez donc qu’on trinque ensemble, dit M. Fouasse.

Ils trinquèrent. Dans la rue, des lumières se croisaient et des silhouettes, qui allaient en tout sens, se profilaient rapidement sur les carreaux du bar. Une buée grise, où des sillons traçaient de longues raies d’eau, les recouvraient. La même buée d’humidité voilait l’unique glace, au cadre brun, de l’établissement. Sur le sol, parmi les mégots et une molle épaisseur de sciure, des rigoles embourbées serpentaient et lorsque, — par instants, — la porte du débit s’ouvrait, un courant d’air glacé courait entre les jambes en même temps que les bruits de la rue, de confus qu’ils étaient, devenaient sonores et tout retentissants.