Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/78

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le trahissaient et il le comprenait mieux que personne.

— N’en parlons plus ! grogna-t-il et, luttant contre lui-même, essayant d’échapper au besoin d’en apprendre davantage. Tu as raison… Moi, ça ne me fait rien, ton idée… Tu es libre… Je n’ai pas à m’en occuper… Seulement (il cessa de se balancer) elle me ferait du tort, un jour, je ne le permettrais pas…

— Voyons ! protesta Léontine, ne parlez pas si fort !

Lampieur accentua le sens de ses paroles.

— Tu me trouverais, fit-il sérieusement et, posant ses énormes mains à plat sur le rebord de la table, il eut dans l’attitude un tassement si redoutable que Léontine en perdit contenance.

— Mais… balbutia-t-elle… mon idée…

— Aussi vrai que je suis là, précisa Lampieur. Je le jure… Comprends-tu ?

Entre eux, la bouteille et les deux verres absorbaient dans leurs flancs une pâle lumière qu’ils contemplaient l’un et l’autre pour ne pas lire sur leurs visages les sentiments qui s’y peigna