Page:Cardan - Ma vie, trad. Dayre, 1936.djvu/25

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Est-ce sur des bases pareilles que nous fonderons une accusation de mensonge ? Mais est-ce à dire d’autre part que nous tenions Cardan pour toujours vrai ? Comme tous, plus que d’autres si l’on veut, il est sujet à l’erreur, à la partialité, aux affections comme aux rancunes et aux haines ; sa mémoire l’a parfois trahi, mais on sent la volonté d’atteindre à la vérité jusque dans les aveux les plus douloureux. Il ne déforme pas délibérément les faits et s’applique à une chronologie exacte sans dissimuler la part d’incertitude qui se trouve dans certaines données. S’il n’est pas toujours véridique, il est le plus souvent sincère, même dans celles de ses assertions qui sont pour nous le moins croyables. Tout le mystère, le surnaturel, les interventions divines rentrent pour lui dans les conditions presque normales de la vie universelle. Il y a recours pour expliquer les menus faits auxquels tout autre homme n’aurait pas prêté attention, ou, les ayant remarqués, n’aurait pas cru nécessaire de les interpréter. Il ne cherche pas à en imposer, il est victime de ses croyances et, pourrait-on dire aussi, de l’excès de sa curiosité et de sa foi scientifiques. C’est de là que lui vient son souci de tout expliquer ; et, suivant les méthodes ordinaires, il explique au moyen de ce qu’il estime assuré et définitivement connu. Pourquoi faut-il qu’il tombe presque toujours dans la naïveté et l’invraisemblance ? Est-ce déséquilibre mental, comme on l’a dit ? Peut-être, mais c’est plus probablement insuffisance de méthode et obnubilation d’un esprit critique qui se manifeste d’autre part fort vif et fort net dans certains domaines. Il ne serait pas le seul savant qui, en dehors du champ où il est véritablement grand, reste l’esclave de son éducation : il en avait reçu une si étrange que son vaste esprit abritait d’innombrables superstitions.

VI

Le De vita propria liber, composé en 1575-1576, traîna en manuscrit pendant plus d’un demi siècle, passant de main en main pour parvenir enfin (1632) entre celles de Gabriel Naudé, fervent admira-