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le 13 octobre 1555. En 1559, quand je retournai à Pavie, je souffris de coliques pendant deux jours.

Les symptômes morbides furent divers. D’abord, depuis sept ans jusqu’à douze, je me levais pendant la nuit, je criais, mais confusément ; et si ma mère et ma tante avec qui je dormais ne m’avaient saisi, je me serais jeté hors du lit. Cependant mon cœur bondissait, mais on l’apaisait en y appuyant la main, ce qui est caractéristique du souffle.

À la même époque jusqu’à dix-huit ans, lorsque je marchais contre le vent, surtout froid, je ne pouvais respirer ; cela cessait si j’avais soin de retenir mon souffle. Vers le même temps, du moment où je me couchais à la dixième heure passée, je ne parvenais pas à me réchauffer depuis les genoux jusqu’aux pieds. Ce qui faisait dire, surtout à ma mère, entre autres, que je ne vivrais pas longtemps. En outre, chaque nuit, dès que j’étais réchauffé, une sueur abondante et très chaude se répandait par tout mon corps, d’une façon incroyable pour ceux qui l’entendaient raconter.

À vingt-sept ans, je tombai dans une fièvre tierce double qui se résolut le septième jour ; puis (30) à cinquante-quatre ans, dans une fièvre quotidienne qui dura quarante jours. À cinquante-six ans, au mois de novembre, pour avoir bu un peu d’acide scillitique je fus pris de dysurie très pénible : je jeûnai d’abord trente-quatre heures, puis encore vingt, je pris des larmes de sapin et je guéris.

J’avais l’habitude (dont beaucoup s’étonnaient) de rechercher la douleur si je ne l’éprouvais pas, comme j’ai dit pour la goutte ; c’est pourquoi j’allais fréquemment au-devant des causes de maladie (en évitant autant que possible les seules insomnies), parce que j’estimais que le plaisir n’est que l’apaisement d’une douleur précédente ; si donc la douleur est volontaire, il est facile de la calmer. D’autre part je sais par expérience qu’il ne m’est pas possible de ne pas souffrir du tout ; quand cela arrive, il s’élève en mon âme une sorte de fougue si pénible qu’il n’est rien de comparable ; et je trouve bien moindre une douleur ou une cause de douleur qui n’a rien de honteux ni de dangereux. Aussi imaginai-je pour cela de me mordre les lèvres, de me tordre les doigts, de me pincer la peau, de me presser le muscle grêle du bras gauche jusqu’aux larmes par ce secours, j’ai vécu jusqu’à ce jour sans déshonneur.