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CHAPITRE VI.

DE LA VALEUR.

§ 1. — Origine de l’idée de valeur. Mesure de la valeur. Elle est limitée par le prix de reproduction.

En même temps que la population se développe et que la puissance d’association augmente, on voit partout l’homme abandonner la culture des terrains ingrats pour celle des terrains plus fertiles ; d’esclave de la nature il devient son souverain absolu et la force d’obéir à ses ordres ; on le voit de l’état d’individu faible passer à celui d’homme fort ; l’être qui n’était qu’une simple créature nécessaire devient un être puissant : de la pauvreté il arrive à la richesse, et maintenant il possède une foule d’objets auxquels il attache l’idée de valeur. Nous pouvons alors examiner pourquoi il agit ainsi, et de quelle manière il est habitué à la mesurer.

Notre Robinson, sur son île, trouvait autour de lui des fruits, des fleurs et des animaux de diverses espèces, plus ou moins appropriés à la satisfaction de ses besoins, mais dont la plupart restaient hors de sa portée en l’absence d’auxiliaires. Le lièvre et la chèvre le surpassaient tellement en vitesse qu’il ne pouvait espérer aucun succès en les poursuivant à la chasse, tant qu’il n’aurait à compter que sur ses jambes. L’oiseau pouvait prendre son essor dans les airs, tandis que lui-même restait enchaîné à la terre. Le poisson pouvait se plonger dans la profondeur des eaux, où l’homme était sûr de périr, en tentant de l’y suivre. Il pouvait mourir de faim, ayant sous les yeux des quantités illimitées de substances alimentaires, tandis que la mouche et la fourmi con-