armées de la France occupées pendant vingt ans à détruire la vie et la propriété dans l’Afrique du nord, et c’est la gloire ainsi acquise que Louis-Philippe considérait comme un moyen de consolider sa propre puissance, et d’établir dans sa famille la succession au trône. Il put se convaincre, cependant, que pendant tout ce temps il n’avait fait qu’élever une pyramide à base renversée, centralisant le pouvoir à Paris et l’annulant dans les provinces ; et lorsque vint pour lui le jour de l’épreuve, il tomba aussi sans coup férir. Nous voyons encore le gouvernement de la France s’appliquant à l’œuvre de la centralisation, diminuant la faculté d’association à l’intérieur, en même temps qu’il s’efforce d’arriver au même résultat à l’extérieur, d’un côté augmentant les armées et les flottes, tandis que de l’autre il dénie au peuple le droit de discuter libre-
nous trouvâmes dépossédés de toutes nos conquêtes, ayant deux cent mille étrangers campés sur notre territoire où ils vécurent aux dépens de notre gloire et de notre fortune, jusqu’à la fin de l’année 1818. (Le baron Dupin).
Comme conséquence de cette énorme déperdition de richesse et de population, le commerce existait à peine entre les diverses parties du royaume, ainsi qu’on le voit par les documents suivants recueillis, il y a quelques années, par un ingénieur français distingué. « J’ai souvent, dit-il, traversé, en différents départements, vingt lieues carrées, sans rencontrer un canal, une route tracée, une usine ou même un domaine habité. Le pays semblait un lieu d’exil, abandonné aux misérables dont les intérêts et les besoins sont également mal compris, et dont la détresse s’accroit constamment par suite du bas prix de leurs produits et des frais de transport » (Cordier).
Le tableau suivant de la condition d’une portion considérable du peuple français de nos jours, est dû à la plume de M. Blanqui, successeur de M. Say dans sa chaire d’économie industrielle ; il a été tracé après une inspection accomplie avec soin des diverses provinces du royaume :
« Quelque diversité qui existe dans le sol occupé par les populations, dans leurs mœurs, dans leurs aptitudes, le fait dominant, caractéristique de leur situation, c’est la misère, c’est-à-dire l’insuffisance générale des moyens de satisfaire même aux premières nécessités de la vie. On est surpris du peu que consomment ces myriades d’êtres humains. Ces millions d’individus forment pourtant la majorité des contribuables, et la plus légère élévation de revenu en leur faveur non-seulement leur profiterait à eux-mêmes, mais accroîtrait immensément les fortunes de tous et la prospérité de l’État. Ceux-là seuls qui l’ont vu, pourront croire de quels éléments chétifs et pitoyables se composent le vêtement, la nourriture et l’ameublement des habitants de nos campagnes. Il y a des cantons entiers où certains vêtements se transmettent de père en fils ; où les ustensiles du ménage se réduisent à quelques cuillers de bois, et les meubles à un banc ou à une table mal assise. On peut encore compter, par centaines de mille, les hommes, qui n’ont jamais connu les draps de lit, d’autres qui n’ont jamais porté de souliers ; et par millions, ceux qui ne boivent que de l’eau, qui ne mangent jamais, ou presque jamais de viande, ni même du pain blanc. » (Cité par Peshine Smith. Manuel d’économie politique, trad. par Camille Baquet, p. 117).