Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/376

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dans aucune partie de l’île, et la préparer pour la culture, à raison de 5 dollars par acre ; tandis qu’une autre terre, bien plus riche naturellement qu’aucune autre dans la Nouvelle-Angleterre, se vend de cinquante cents à un dollar. En même temps que se manifeste la diminution dans la valeur de la terre, le travailleur tend à l’état de barbarie, et l’on peut en trouver la raison dans ce fait, que la puissance d’association n’existe pas, — c’est-à-dire qu’il n’y a pas de diversité dans les occupations, — et, qu’après des siècles de relation avec une société qui se vante de la perfection de ses machines, on ne trouve pas dans l’île même une hache d’une qualité passable[1].

  1. Je n’ai pu apprendre qu’il y eût aucunes terres dans l’île pourvues convenablement d’instruments de culture. La hache moderne n’y est même pas d’un usage général ; pour abattre les plus gros arbres, les nègres emploient ordinairement un instrument qu’ils appellent ainsi, et qui a beaucoup de ressemblance avec un coin, excepté qu’il est un peu plus large au bord qu’au bout opposé, à l’extrémité même duquel est adapté un manche parfaitement droit. On ne peut rien imaginer de plus malencontreux pour faire l’office de hache ; du moins c’est ce que je pensais, jusqu’au moment où je vis l’instrument encore plus généralement employé aux alentours des habitations dans la campagne, pour couper le bois de chauffage. Il ressemblait pour la forme, la dimension et l’apparence, plutôt à la moitié extérieure du tranchant d’une faux qu’à tout autre objet auquel je puisse le comparer ; à l’aide de ce long couteau (car ce n’est rien autre chose), j’ai vu des nègres écharpant des branches de palmier pendant plusieurs minutes, pour venir à bout de ce qu’un bon fendeur de bois, avec une hache américaine, ferait d’un seul coup. Je ne parle pas en ce moment de la classe la plus pauvre des propriétaires nègres, dont la pauvreté ou l’ignorance pourraient servir d’excuse, mais de propriétaires de vastes domaines qui ont coûté des millions de liv. sterl. (Bigelow. Notes sur La Jamaïque, p. 129).
      Ils n’ont aucune nouvelle manufacture à laquelle ils puissent avoir recours, lorsqu’ils manquent d’ouvrage ; aucune branche extraordinaire de travail industriel ou agricole ne s’offre à eux pour les accueillir, pour stimuler leur esprit d’invention, ou récompenser leur industrie. Lorsqu’ils connaissent la manière de se servir de la houe, de cueillir la graine de café, et de surveiller les moulins à cannes, ils ont appris à peu près tout ce que l’industrie de l’ile peut leur enseigner. Si dans les seize années pendant lesquelles les nègres ont joui de leur liberté, ils ont fait moins de progrès dans la civilisation que ne l’avaient annoncé ou espéré leurs champions philanthropes, il faut tenir quelque compte des lacunes que j’ai signalées. Il est probable que même des paysans de race blanche dégénéreraient, sous l’empire de pareilles influences. Renversez cet ordre de choses, et lorsque le nègre a récolté sa canne à sucre ou son café, créez une demande de son travail pour les moulins et les manufactures que la nature invite à construire sur le sol de l’île, et avant qu’il se sait écoulé seize autres années, le monde aurait probablement quelques nouveaux faits pour l’aider à apprécier la capacité naturelle de la race noire, plus utiles entre les mains du philanthrope que tous les appels qu’il ait jamais pu faire à la sensibilité ou à la conscience humaine. (Ibid., p. 156).