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ciance et une apathie réciproques règnent dans toutes les administrations, et, il faut le dire aussi, dans la nation. Pendant que partout, en Europe, on cherche à améliorer, le Portugal reste stationnaire. Le service postal de ce pays en offre un curieux exemple ; il faut encore 19 à 21 jours à une lettre, pour aller et revenir de Lisbonne à Bragance ; la distance est de 423 kilomètres (soit environ 300 milles américains). Toutes les ressources de l’État sont épuisées aujourd’hui, et il est probable que les recettes provenant des ventes, redevances, fermages, pensions censitaires, droits sur ventes, dettes à l’État, ne donneront pas le tiers du montant pour lequel on les fait figurer au budget[1]. »

Tel était l’état des affaires, il y a quelques années ; mais les résultats épuisants d’une culture exclusive deviennent, chaque année, plus évidents. Le marché intérieur pour le blé s’est transformé en un marché étranger pour la vigne ; mais aujourd’hui ce dernier lui-même a cessé d’exister, parce qu’on a enlevé sans relâche au sol tous les éléments constitutifs de la vigne. Des classes entières d’individus, en Portugal, sont maintenant réduites à une complète pauvreté, en même temps qu’à Madère des individus périssent faute de subsistance, ainsi qu’il arrive en tout pays, à défaut de cette diversité de travaux, qui est la cause du commerce et développe les facultés latentes de l’individu. La nation qui commence par exporter les produits bruts du sol doit finir par l’exportation, ou l’extermination des individus.

Lorsque la population s’accroît et que les hommes se réunissent, un terrain ingrat même peut devenir fécond ; et c’est ainsi que « la puissance fertilisante de l’engrais fait rapporter, aux terres de pauvre qualité du département de la Seine, trois fois autant que celles des bords de la Loire[2]. » Lorsque la population diminue et que les hommes sont, par cette raison, forcés de vivre à de plus grandes distances les uns des autres, les terres riches elles-mêmes s’appauvrissent, et il n’est pas besoin d’en chercher une meilleure preuve que celle qui s’offre ici. Dans le premier cas, chaque jour rapproche davantage les individus de cette parfaite liberté de pensée, de parole et d’action indispensable au développement du commerce. Dans le second, ces mêmes individus deviennent, de

  1. Annuaire de l’économie politique et de la statistique pour 1849, p. 322.
  2. Moreau de Joannès. Statistique de la France, p. 129.