Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/507

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vidus qui pensait « que le trésor de l’Angleterre ne devait se fonder » uniquement que sur le commerce étranger. » Pour que ce trafic prospérât, ils voulaient avoir des matières premières à bas prix ; et, pour amener ce bas prix, ils cherchaient à favoriser la concurrence pour la vente, sur le sol anglais, de tous les produits bruts des autres pays, ainsi que des produits à moitié transformés, nécessaires pour toutes les opérations de l’industrie manufacturière. « En encourageant l’importation du fil de coton, dit Smith, et le faisant venir ainsi en concurrence avec celui qui est fabriqué par notre propre population, ils cherchent à acheter le travail des pauvres fileurs aussi bon marché que possible. » « Ils s’appliquent, continue-t-il, à tenir à bas prix les salaires de leurs propres tisserands, ainsi que le gain des pauvres fileuses ; et s’ils cherchent à faire hausser le prix de l’ouvrage fait, ou à faire baisser celui de la matière première, ce n’est nullement pour le profit de l’ouvrier. L’industrie qu’encourage principalement notre système mercantile, c’est celle sur laquelle porte le bénéfice des gens riches et puissants. Celle qui alimente les profits du faible et de l’indigent est trop souvent négligée et opprimée[1]. »

S’occupant donc presque exclusivement du trafic, le système tendait, ainsi que le voyait Smith, à accroître, contrairement aux lois naturelles, la proportion de la population britannique employée à l’œuvre de l’échange et du transport, créant, de cette manière, une nation de simples boutiquiers, et « rompant l’équilibre naturel, qui, autrement, se fût établi entre les différentes branches de l’industrie britannique. » Au lieu de circuler à travers mille petits canaux, on lui avait appris à se diriger principalement vers un canal unique, « rendant ainsi l’industrie et le commerce moins solidement assurés, et la santé du corps politique moins ferme et moins robuste. » « Dans sa situation actuelle, l’Angleterre, à son avis, ressemblait à l’un de ces corps malsains, où quelques-unes des parties vitales ont pris une croissance monstrueuse, et qui, par cette raison, sont sujets à plusieurs maladies dangereuses, attaquant rarement les individus chez lesquels toutes les parties se trouvent mieux proportionnées. »

  1. Richesse des Nations, traduction de Germain Garnier, liv. IV, chap. viii, p. 288.