Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/550

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critérium, la société anglaise devient de plus en plus imparfaite, puisque, d’année en année, elle arrive à n’être plus qu’une corporation de trafiquants, environnée de toute part d’individus qui travaillent pour un salaire. Le petit propriétaire terrien a disparu. Le petit capitaliste devient simple détenteur d’une rente annuelle. Le petit journal quotidien cède la place au gigantesque Times. La centralisation s’accroît constamment, et à chaque phase de son accroissement, les parties se ressemblent de plus en plus, et le tout ressemble davantage aux parties dont il se compose ; le trafic et le transport deviennent chaque année, de plus en plus, le but de toutes les aspirations d’un gouvernement dont la politique est a déterminée par la considération de ce qui est avantageux pour le moment, sans admettre l’examen préalable de cette question s’il y a eu réclamation du droit[1]. »

Plus l’organisation est élevée, — plus est parfait le développement des diverses facultés de l’homme, plus est complet le pouvoir de se gouverner soi-même. Cela est aussi vrai à l’égard des sociétés que nous le voyons à l’égard des individus. Plus est parfaite la puissance d’association et plus est complet le développement des

  1. « Le gouvernement anglais est tyrannique et porté à empiéter sans cesse partout où il est fort, ainsi qu’il l’est en Asie et dans les colonies, mais souple et complaisant pour les tyrans en Europe, partout où il est faible. Ceux qui ont défendu l’ouverture des lettres de Mazzini par sir James Graham, ne nous convaincront jamais que le cabinet anglais prenait soin des intérêts anglais. On n’a jamais réfuté cette opinion, qu’on avait agi ainsi pour complaire aux odieux gouvernements de Naples et d’Autriche, et que cette conduite causa la mort des frères Bandiera. Lorsque l’Autriche, en 1846, fit invasion dans la république de Cracovie, — république établie et garantie par le traité de Vienne, — et la subjugua, lord Palmerston refusa même de protester contre un pareil acte ; et, depuis, il a continué de bavarder sur le caractère sacré de ce traité, aussi souvent qu’il convient aux puissances despotiques liguées contre les libertés des nations. Ce qu’il faut entendre par « protection » s’est révélé une fois de plus. Mais qu’est-ce que cela, comparé à notre destruction des libertés du Portugal en 1847, lorsque John Russel était aussi premier ministre ? ]] ne tint pas plus de compte du droit à l’égard du Portugal, qu’on ne l’avait fait dix ans auparavant à l’égard du Canada. La question unique fut de savoir s’il nous convenait qu’une révolution juste réussit en Portugal, et la réponse fut négative. Car le royaume de Sardaigne est en voie de réforme. La Suisse est agitée par des mouvements intérieurs ; la Prusse ayant enfin obtenu un parlement pousse ses avantages contre le roi ; bien plus, il y a à Rome un Pape réformateur, et si la révolution réussit en Portugal, l’exemple sera suivi en maint autre lieu : conséquemment, juste ou non, il faut l’étouffer. » (Westminster Review. Juillet 1855, Article : De l’immoralité internationale.)