Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/555

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sède en abondance tous les éléments de richesse — offre aux regards, et pour la première fois dans l’histoire, une nation qui peu à peu disparaît de la surface du globe au sein de la paix la plus profonde. Si nous jetons les regards sur l’Écosse, nous y voyons la terre immobilisée et ceux qui l’occupaient partout expulsés pour faire place aux moutons, tandis que pour ainsi dire des millions d’individus aux alentours sont constamment en danger de mourir de faim[1]. Si nous passons de la campagne à cette immense cité commerciale de Glasgow, nous y rencontrons les individus qui ont été expulsés, vivant dans un état de misère complète qui n’a pas été surpassé même en Irlande[2]. Arrivés dans l’Angleterre même nous

  1. « Une enquête récente a fait découvrir que, même dans les districts autrefois renommés pour les beaux hommes et les vaillants soldats, les habitants ont dégénéré et n’offrent plus qu’une race chétive et rabougrie. Dans les sites les plus salubres, sur le flanc des collines faisant face à la mer, leurs enfants affamés offrent aux regards des visages aussi maigres et aussi pâles que ceux qu’on pourrait rencontrer dans l’atmosphère malsaine d’une allée de Londres. Des tableaux encore plus déplorables se présentent dans les hautes terres de l’Ouest, principalement sur les côtes et dans les îles adjacentes. Il s’est rassemblé là une population considérable, si mal pourvue de moyens quelconques de subsistance, que pendant une partie de presque chaque année, 45.000 à 80.000 individus se trouvent réduits à l’indigence et ne peuvent compter absolument que sur la charité. Un grand nombre des chefs de famille occupent des clos attenant à des maisons d’une étendue de 4 à 7 acres ; mais sur ces clos, malgré leur petite contenance et l’extrême stérilité du sol, résident souvent 2, 3 et quelquefois même 4 familles. Naturellement ils vivent de la façon la plus misérable. Les pommes de terre forment la nourriture habituelle ; car le gruau d’avoine, est considéré comme un aliment de luxe qu’il faut réserver pour les beaux jours et les jours de fête ; mais la récolte des pommes de terre mêmes est insuffisante. La provision de l’année est généralement épuisée avant que la récolte suivante soit parvenue à maturité, et les pauvres se trouvent alors dans une situation tout à fait désespérée ; car la loi sur les pauvres est une lettre morte dans le Nord de l’Écosse, et l’absence d’une provision légale pour les individus nécessiteux, n’est qu’imparfaitement suppléée par les cotisations volontaires des propriétaires du sol. » (Thornton. L’excès de population et son remède, p. 7476.)
  2. « Les ruelles de Glasgow comprennent une population flottante de 15.000 à 30.000 individus. Ce quartier consiste en un labyrinthe d’allées parmi lesquelles des entrées innombrables conduisent à de petites cours carrées, renfermant un tas de fumier dont la vapeur s’élève au milieu. Quelque révoltant que fût l’aspect extérieur de ces lieux, je n’étais guère préparé à la malpropreté et à l’état misérable de l’intérieur. Dans quelques-uns de ces hôtels garnis (que nous avons visités la nuit) nous trouvâmes un repaire complet d’êtres humains couchés en désordre sur le parquet souvent au nombre de 15 ou 20 ; quelques-uns habillés et d’autres nus ; hommes, femmes et enfants confondus pêle-méle. Leur lit consistait en une couche de paille moisie mélée à des chiffons. Il n’y avait généralement que peu, ou point