Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/61

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fournir les subsistances nécessaires pour une population constamment croissante ; et sans cette connaissance, il ne pouvait rien exister qui ressemblât à la science sociale.

La science exige des lois, et les lois ne sont que des vérités universelles, des vérités auxquelles on ne peut trouver d’exceptions. Celles-ci obtenues, l’harmonie et l’ordre remplacent le chaos, et nous arrivons, dans toute branche de la science, à reconnaître aussi bien les effets comme résultats naturels de certaines causes définies, et à prévoir la réapparition d’effets analogues lorsque des causes semblables se rencontreront, à les reconnaître aussi bien, disons-nous, que le premier homme lorsqu’il eut définitivement lié dans sa pensée la présence et l’absence de la lumière au lever et au coucher du soleil.

Y a-t-il, cependant, dans la science sociale une proposition dont la vérité soit admise universellement ? Il n’en existe pas une seule. Il y a cent ans on estimait que la force d’une nation tendait à s’accroître avec l’augmentation de sa population ; mais on nous enseigne aujourd’hui que cette augmentation entraîne avec elle la faiblesse au lieu de la force. Chaque année nous avons de nouvelles théories sur les lois de la population et de nouvelles modifications à celles qui ont vieilli ; et la question relative aux lois qui régissent la distribution des produits, entre le propriétaire du sol et celui qui l’occupe, se discute aujourd’hui avec autant de vigueur qu’il y a cinquante ans. Parmi les disciples de MM. Malthus et Ricardo, à peine en trouverait-on deux qui s’entendissent sur ce que leurs maîtres ont eu réellement l’intention d’enseigner. Un jour, on nous dit que la doctrine Ricardo-Malthusienne est morte, et le lendemain nous apprenons que douter de sa vérité est une preuve d’ignorance ; et cependant les personnes auxquelles nous devons toutes ces connaissances appartiennent à la même école d’économistes[1]. Les avocats les plus décidés de la suppression de

  1. Nous croyons que ce principe (le principe de la rente, de Ricardo) domine, à la longue et qu’il est la principale cause de la décadence des nations. — Nous croyons que la loi de population sur laquelle Malthus a, le premier, appelé l’attention publique est fondée en fait. (Le Spectateur de Londres, 18 novembre 1854).
        Personne, excepté un petit nombre de simples écrivains, ne se préoccupe aujourd’hui de Malthus à propos de la population, ou de Ricardo à propos de la rente. Cependant leur erreur peut encore s’attarder quelque temps dans les Universités, archi-