Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/104

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D’après cela, nous pouvons facilement compter sur la solidité de la politique commerciale de l’une des deux nations, nonobstant les chocs de révolutions répétées ; et pour l’excessive instabilité de la politique trafiquante de l’autre, quoique les révolutions politiques[1] soient chez elle inconnues. L’une, après longue expérience, a jus-

    premiers fruits de son travail. « Acheter bon marché, vendre cher. Que vous semble cela ? « acheter bon marché, vendre cher. Acheter bon marché le travail du travailleur et vendre cher à ce même travailleur le produit de son propre travail ! Il y a dans ce contrat un principe inhérent de perte. L’employeur achète le travail bon marché, — il le vend, et sur la vente il doit faire un profit : il vend à l’ouvrier même, et ainsi, chaque contrat entre l’employeur et l’employé est une tromperie préméditée de la part de l’employeur. Ainsi le travail doit toujours tomber en perte éternelle, pour que le capital s’élève par une fraude durable. Mais le système ne s’en tient pas là. Ceci a pour objet de supporter la concurrence étrangère, — ce qui signifie : nous devons ruiner le commerce des autres pays, comme nous avons ruiné le travail du nôtre. Comment s’y prendre ? Le pays taxé haut a à sous-vendre le pays taxé bas. La concurrence du dehors est constamment croissante, conséquemment le prix doit aller de plus en plus bas. Par conséquent les salaires en Angleterre doivent être en baisse continue. Et comment effectuer cette baisse ? Par un surplus de travail. Comment obtenir ce surplus ? Par le monopole de la terre, qui jette plus de bras qu’il n’en faut dans l’atelier, par le monopole des machines, qui jette ces bras dans la rue ; par le travail de la femme, qui enlève l’homme à la navette ; par le travail de l’enfant, qui enlève la femme au métier à tisser… Ainsi, en plantant leurs pieds sur cette vivante base de surplus, ils pressent son cœur douloureux sous leurs talons et crient : Mourez de faim ! Qui veut travailler ? la moitié d’un pain vaut mieux que pas du tout de pain ; et la masse qui se tord adhère volontiers à ces conditions. Tel est le système pour le travailleur. Mais, électeurs, comment agit-il sur vous ? Comment affecte-t-il le commerce domestique, le boutiquier, la taxe des pauvres et la taxation ? Pour chaque surcroît de concurrence au dehors, il faut un surcroît de bon marché au dedans. Chaque surcroît de bon marché du travail est basé sur un surcroît de travail en surplus, et ce surplus est obtenu par un surcroît de machines. Je le répète : comment cela agit-il sur vous ? Le libéral de Manchester à ma gauche établit une nouvelle patente et jette trois cents hommes comme un surplus dans les rues. Boutiquiers ! trois cents pratiques de moins. » — Payeurs de taxe ! trois cents pauvres de plus. Mais, écoutez-moi bien. Le mal ne s’arrête pas là. Ces trois cents hommes opèrent d’abord l’abaissement des salaires de ceux qui restent employés dans leur propre profession. L’employeur dit : « Maintenant, je réduis vos salaires. » Les hommes se récrient. Il ajoute : Voyez-vous ces trois cents qui viennent d’être mis à la porte ? Vous pouvez changer de place, si vous l’aimez ; ils soupirent à rentrer à tout prix, car ils meurent de faim. Les hommes comprennent et sont écrasés. Ali ! vous, libéral de Manchester ! Pharisien de politique ! ces hommes sont là, qui écoutent. — Ai-je frappé juste ? Mais le mal ne s’arrête pas là. Ces hommes, chassés de leur profession, cherchent emploi dans d’autres, où ils grossissent le surplus et font baisser les salaires.

  1. Richesse des nations, liv. IV, ch. iii.