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un bon ouvrier adulte reçoit 27 roubles par mois ; mais quelquefois il est payé le double.

Quelle influence cela exerce-t-il sur la condition des paysans engagés dans l’agriculture ? Nous le voyons par ce fait que, tandis qu’autrefois il y avait toujours de grands arriérés de rentes, il n’y en a plus aucun, nous assure-t-il. De plus il nous dit que, de vingt-trois fermes achetées en bloc, avec leur propre liberté, par nombre de paysans appartenant au prince Koslowski, au prix de 50.000 roubles, les deux tiers ont été payés comptant. Dans un autre cas, les paysans du prince Viazemski ont acheté sa terre avec leur liberté moyennant 129.000 roubles.

La résistance au système qui vise à avilir le travail et les denrées brutes amène partout augmentation de liberté parmi les travailleurs, et nous en voyons ici la preuve dans les faits que fournit le voyageur qui observe. N’importe où il va il trouve que la diversité d’emplois a amené à peu près cet état de choses dans lequel, tout en retenant un droit pour un petit payement annuel, les grands propriétaires permettent à leurs serfs de choisir leur mode d’emploi et de disposer à leur gré des produits de leur travail, tandis qu’eux-mêmes se font servir par des domestiques gagés[1].

Chaque mesure du gouvernement a tendu dans le même sens. Un ukase de 1827 déclara le serf une portion intégrale et inséparable du sol, et ainsi fut abolie d’un seul coup la traite de chair humaine. Aujourd’hui une grande banque a été fondée, qui fait des prêts au propriétaire foncier jusqu’à concurrence des deux tiers de la valeur de la propriété, et sous des conditions de remboursement qui tendent beaucoup à produire le résultat de permettre à la couronne, éventuellement, de devenir propriétaire en payant le dernier tiers — ce qui tend à transformer la population attachée à la terre en sujets de la couronne, tandis qu’auparavant ils n’étaient que de simples serfs de simples particuliers. Comme paysans de la couronne, ils tiennent leurs habitations et leurs petites pièces de terre moyennant payement de 5 roubles par chaque tête mâle,

  1. Il y a une quarantaine d’années, dit M. Haxthausen, certains palais de Moscou comptaient chacun un millier et plus de domestiques ; le chiffre des nobles et de leur domesticité allait à 250.000 âmes. Tout cela est changé. On ne garde plus que le nombre nécessaire de domestiques, mais l’on en a encore deux fois plus qu’à Berlin. » Haxthausen. L’Empire russe, vol. I.