Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/168

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chaque colon a pour ainsi dire sa propriété sous la main. C’est ce qui explique aussi en partie le progrès agricole dans les provinces de la Baltique, où la population est beaucoup plus répandue que dans les autres parties de la Russie. L’agglomération de la population rurale en groupes nombreux prédomine chez les nations qui ont été jadis exposées aux incursions des Barbares ou aux dévastations des animaux sauvages, et ont éprouvé le besoin d’habiter en voisinage pour se protéger mutuellement[1]. »

La culture commence toujours par les sols de qualité inférieure, et ce n’est qu’au moyen de l’association et de la combinaison que les plus riches sont appropriés aux Ans de l’homme. Comme cependant une telle combinaison est impossible sous le système de communauté, il en résulte que les jeunes hommes actifs et diligents du village, — ceux en qui l’on pourrait espérer, pour l’amélioration agricole, — passent aux bourgs et aux villes, — abandonnant la terre et cherchant ailleurs cet avantage permanent, pour eux-mêmes et pour leurs familles, qui est refusé par le système existant à ceux engagés dans le travail rural.

Tels sont quelques-uns des obstacles que rencontre l’agriculture pour passer à l’état de science. Ils sont grands ; mais, tout grands qu’ils soient, ils sont dépassés de beaucoup par ceux qui résultent du manque encore existant, de la convenable diversité d’emplois, sans laquelle association et combinaison ne peuvent avoir lieu. Dans d’immenses parties de l’empire, le fermier ne peut aucunement varier les objets de sa culture. Il faut qu’il se borne à ces utilités seulement qui souffrent les frais de transport ; il ne peut cultiver pommes de terre, turneps, foin, ou quel qu’autre article encombrant qui veut être consommé sur place. Il faut qu’il épuise sa terre et il faut donc que ses récoltes diminuent — avec augmentation constante dans la sujétion à la maladie qui si souvent les balaye, — en le réduisant lui et sa famille à la pauvreté, sinon à mourir de faim. Il faut qu’il se borne à la culture des sols plus pauvres, car une si large part de sa récolte s’absorbe dans l’œuvre du transport qu’il reste hors d’état d’obtenir l’outillage qui l’aiderait à défricher et drainer les sols riches. Il devient ainsi, d’année en année, de plus en plus l’esclave de la nature, et conséquemment de plus

  1. Haxthausen, Vol I