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soi-même, — une impuissance si grande de faire les routes qui sont si nécessaires, — et une dépendance si complète du trafiquant lointain pour tout l’outillage de négoce et de transport.

L’individualité, tant chez les hommes que chez les nations, se développe avec le développement de commerce. Elle se développe en Russie ; et c’est pourquoi la Russie a, dans les trois années dernières, montré un pouvoir de résistance aux attaques du dehors, qui n’eût point été possible avec le maintien de sa politique du libre-échange, et si elle avait continué à marcher dans la voie anglaise. Ce qui serait advenu, M. Cobden l’a vu clairement, et il a fourni l’argument le plus concluant en faveur de la politique de la France et de la Russie, lorsqu’il a écrit que : « sevrer l’empire russe dans la période de 1815 à 1824 « de tout commerce avec l’étranger, eût été condamner à l’état de nudité une partie de son peuple[1]. » Le système adopté ensuite tend vers la décentralisation, l’individualité, la vie, la liberté ; tandis que celui que M. Cobden veut imposer au monde, — ayant pour objet d’accroître la nécessité des services du trafiquant, — tend vers la centralisation qui est toujours la route vers l’esclavage et la mort.

§ 11. — La Suède, comme la Russie, marche dans la voie de la France, maintenant la politique de Colbert, à l’exclusion de celle préconisée par les économistes d’Angleterre. Elle obtient pour effet le rapprochement du consommateur et du producteur.

La Suède est naturellement un pays très-pauvre, — rude, mouvementé, montagneux. Le sol, là où le roc n’est pas à la surface, est léger et sablonneux. En général, sol et climat sont défavorables à l’agriculture ; cependant il existe quelques parties fertiles au sud du 61°. » Elles donnent seigle, avoine, pommes de terre, carottes, betteraves et divers autres végétaux, et aussi des fruits et un peu de blé.

Quant à sa politique commerciale, la Suède est dans la voie française, — tout son système ayant été basé sur l’idée de rapprocher

  1. « Lorsqu’il y a un demi-siècle, Napoléon essaya d’imposer à Alexandre, à la pointe des baïonnettes, son « système continental, » le commerce de cet empire était comparativement libre et son peuple dépendait des pays étrangers et surtout de l’Angleterre pour presque tout ce qui est confort et luxe de la vie civilisée. Des voyageurs partaient de chez nous pour chercher en Russie des ordres pour nos manufactures aussi facilement qu’ils vont en Écosse ou en Irlande ; et des Anglais ouvraient boutique à Saint-Pétersbourg pour la vente de tous les articles de toilette et de fantaisie sur une échelle presqu’aussi grande que dans les rues de Londres. La Russie était si dépourvue d’industrie que même les gros draps, pour habiller l’armée russe, s’achetaient en Angleterre. Sevrer alors l’Empire russe de tout commerce avec l’étranger, c’eût été condamner à l’état de nudité une partie de sa population. » Cobden. What Next ?