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fic conduit infailliblement à de tels résultats, et comme toutes les énergies du pays sont données à développer le pouvoir du trafiquant, rien d’étonnant que sa population soit partout employée « à dérober à la terre son capital. Que le système actuel continue, « et l’heure est certainement fixée, » à laquelle, pour nous servir des expressions de l’écrivain du passage cité, « l’Amérique, la Grèce et Rome seront gisantes ensemble dans les ruines du passé. »

L’examen de tous ces faits nous montre 1° que plus la quantité de produits bruts, portée à des marchés lointains, est grande, moindre est le prix qu’on en obtient ; 2° que moindre est ce prix, plus augmente la différence entre les produits bruts du sol et l’outillage nécessaire pour sa culture, et 3° que plus il y a dépendance du marché lointain, plus il y a tendance à passer de la culture des sols riches aux sols pauvres, — ce qui est toujours la route à la centralisation, à l’esclavage, à la mort morale et physique.

§ 4. — Consolidation graduelle de la terre. Elle fournit la preuve d’une civilisation en déclin.

Avec le développement de commerce, le développement des pouvoirs de la terre et la création de centres locaux d’action, la terre va se divisant et la petite ferme d’une demi-douzaine d’acres arrive à fournir plus de denrée brute qu’on n’en obtenait auparavant de centaines et de milliers d’acres. À chaque accroissement du pouvoir du trafic, les centres locaux déclinent, et la cité lointaine prend leur place. La propriété foncière vase consolidant ; — le tenancier sans bail et le journalier remplace le petit propriétaire indépendant si fort considéré par Adam Smith. Il en était ainsi, nous avons vu, en Italie et en Grèce, il en est aujourd’hui ainsi dans tous les pays où le commerce a été subjugué par le trafic. Il en est ainsi aux États-Unis ; — le petit propriétaire rural de New-York cédant graduellement la place au grand propriétaire de milliers d’acres de terre cultivée par des hommes dont on peut apprécier la tenure au caractère inférieur des habitations où ils vivent et des granges où ils rentrent leur blé[1]. La population rurale diminue ici, et d’année en année on éprouve une difficulté croissante à entretenir les écoles et les églises de village, tandis

  1. « L’épuisement a diminué le produit de la terre, qui fut d’abord la grande richesse du pays. Quand le blé cessa de rendre, on mit de l’avoine, qui d’abord donna de cinquante à soixante boissaux, et on en mit d’année en année jusqu’à ce que la terre cessât de rendre et s’infestât de mauvaises herbes. » Johnson. Notes on North. America, vol. I, p. 59.