Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/235

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Plus ce rapprochement est étroit, plus grande est partout la tendance à ce qu’augmente la productivité du sol, — avec accroissement du pouvoir d’association et combinaison. Plus se prononce l’écart entre ces prix, plus la tendance augmente vers l’épuisement du sol avec déclin du pouvoir de combinaison. — Dans ce pays les pouvoirs du sol diminuent, et il se présente ainsi à nous un autre phénomène qui partout ailleurs aussi accompagne le déclin de civilisation et l’approche de la barbarie[1].

    et pourtant nous avons vu les hommes qui produisent blé et coton, (précéd. p. 205) forcés de céder une quantité constamment croissante de leurs produits en échange contre une quantité donnée de fer, cuivre ou plomb. Ils tirent avantage, il est vrai, de la diminution du travail nécessaire pour convertir ces métaux en haches, charrues et autres instruments ; mais ils perdent par le fait que les prix de ces métaux se soutiennent, tandis que ceux de leurs utilités sont en déclin tellement soutenu. Le producteur de fer gagne de tout côté — par les améliorations dans l’outillage qui sert à convertir le coton en drap — par la réduction du prix du coton lui-même — par le fait qu’il va toujours améliorant son outillage, et par conséquent toujours passant des bancs de houille et de fer les moins productifs aux plus productifs. Le résultat se voit dans le fait, que tandis que le dernier obtient, en échange d’une tonne de fer, trois fois la quantité de filé de coton qu’il aurait obtenue il y a quarante ans, le premier donne trois fois la quantité de coton pour une tonne de barres de fer dont il construira ses chemins Dans un premier chapitre (vol. 1, p. 269) nous avons vu que la quantité de fer que peut obtenir un fermier de l’Ohio a augmenté — conséquence de l’amélioration des routes qui le conduisent au marché. La contre-partie de ceci se trouve dans l’épuisement constant du sol, aussi ce nouvel état dont la création date d’un peu plus qu’un demi-siècle est-il déjà devenu le grand État émigrant de l’Union. Les locomobiles, les machines à moissonner, le râteau à cheval facilitent l’épuisement des éléments nécessaires à la production du blé et du maïs ; et le chemin de fer facilite leur exportation. Sous le système actuel, plus ces améliorations se répandent, plus s’accroît la tendance à l’émigration et l’isolement, et l’isolement tend à la barbarie.

  1. Les faits sur lesquels nous avons appelé l’attention, dans tous les pays purement agricoles, correspondent exactement avec ceux observés dans les États de l’Union américaine. Ainsi, au Brésil, la culture a commencé dans le voisinage de ces localités où se trouvent aujourd’hui des villes et des bourgs ; mais à mesure que la terre s’épuise les planteurs s’en retirent, — laissant désertes les terres qu’ils avaient trouvées les plus productives. Le coût de transport va conséquemment toujours croissant, et plus il s’accroît, moindre est la proportion du travail de la communauté qui peut être donnée à la production. Comme il arrive nécessairement dans tous les cas de ce genre, le désir pour la terre augmente et les propriétés sont très-considérables. De grands propriétaires — qui ne veulent s’occuper d’aucune autre production que de celle de leur grand article, le café, — aiment mieux acheter leur grain que le cultiver. L’aliment va renchérissant d’année en année. On cite un cas d’un planteur qui avait fait une grande récolte de café, mais ne pouvait l’envoyer au marché faute de pouvoir acheter le grain nécessaire pour