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Belgique, la Suède et le Danemark, — tous pays qui sont larges importateurs de matières brutes et d’or. La Russie diminue ses exportations de blé, et par là est en mesure de retenir chez elle la production de ses mines, et de beaucoup limiter la nécessité de forcer sa laine sur le marché du monde. Dans tous ces pays, les matières brutes gagnent en prix : et plus il y a tendance à élévation, plus vile le courant de métaux précieux prend cette direction. Le pays qui désire augmenter ses approvisionnements d’or, et ainsi abaisser le prix de la monnaie, est donc tenu de suivre cette marche de politique, qui tend le mieux à élever les prix des denrées brutes et à abaisser ceux des objets manufacturés. C’est néanmoins l’opposé direct de la politique prêchée par l’école anglaise, qui cherche dans l’avilissement de toutes les matières premières des manufactures les moyens d’avancer en civilisation.

L’inverse se trouve en Irlande, Turquie et Portugal, si longtemps les alliés intimes de l’Angleterre, — et qui suivent si uniformément la marche de politique aujourd’hui recommandée par ses économistes. Sur chacun de ces pays, il y a eu saignée incessante de monnaie, et la disparition des métaux précieux a été suivie de déclin dans la fécondité du sol, dans les prix des denrées, dans la valeur de la terre et dans le pouvoir de l’homme.

§ 4. — Ces métaux s’écoulent des pays qui suivent la trace de l’Angleterre. Leur grande exportation de France, sous le traité d’Eden, en 1786.

La France, dans la décade qui précéda la conclusion du traité d’Éden de 1786, progressait très-rapidement en industrie et en commerce à la fois, comme l’a si bien prouvé M. Tocqueville dans son récent ouvrage[1]. De l’afflux de denrées brutes et de métaux

  1. « À mesure que ces changements s’opèrent dans l’esprit des gouvernés et des gouvernants, la prospérité publique se développe avec une rapidité jusque-là sans exemple. Tous les signes l’annoncent, la population augmente, les richesses s’accroissent plus vite encore. La guerre d’Amérique ne ralentit point cet essor ; l’État s’y obère, mais les particuliers continuent à s’enrichir ; ils deviennent plus industrieux, plus entreprenants, plus actifs. — « Depuis 1774, dit un administrateur du temps, les divers genres d’industrie, en se développant, avaient agrandi la matière de toutes les taxes de consommation. Quand on compare, en effet les uns aux autres, les traités faits aux différentes époques du règne de Louis XVI entre l’État et les compagnies financières chargées de la levée des impôts, on voit que le prix des fermages ne cesse de s’élever, à chaque renouvellement, avec une rapidité croissante. Le bail de 1766 donne 14 millions de plus que celui de 1780. « On peut compter que le produit de tous les droits des consommations augmente de deux millions par an, dit Necker dans le compte rendu de 1781. « — Arthur Young assure qu’en 1788, Bordeaux faisait plus de commerce que Liverpool ; et il ajoute : « Dans ces derniers temps les progrès du commerce maritime ont été plus rapides