Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/353

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bée par les demandes pour le payement des impôts, et a été d’abord recueilli dans les départements, puis transmis à Paris, d’où il trouve lentement sa voie pour retourner au lieu d’où il est venu. Le numéraire est donc rare, la combinaison d’action est limitée, et il ne se produit que peu de mouvement. Un éminent économiste français indique comment, avec une faible quantité de monnaie, on pourrait mettre un terme à ces suspensions d’activité.

« D’un côté, voici un mécanicien, un forgeron, un charron dont les ateliers chôment, non peut-être faute de matières à mettre en œuvre, mais faute de commandes pour leurs produits. Ailleurs pourtant, voilà des fabricants qui ont besoin de machines, des cultivateurs qui ont besoin d’instruments de labour. Pourquoi ne délivrent-ils pas ces commandes que le mécanicien, le forgeron et le charron attendent ? C’est qu’il faudrait payer en argent, et cet argent, ils ne l’ont pas en ce moment. Cependant ils ont, eux aussi, dans leurs magasins, dans leurs greniers, des produits à vendre, dont bien des gens pourraient s’accommoder. Que ne les donnent-ils en échange ? C’est que l’échange direct n’est pas possible : il faudrait vendre d’abord ; et comme ils exigent eux-mêmes un payement en argent, ils ne trouvent que difficilement des acheteurs. Voilà donc le travail suspendu des deux parts. C’est dans une situation semblable que la production languit et que la société végète, avec tous les éléments possibles d’activité et de prospérité. »

« Il y aurait cependant un moyen de lever cette difficulté. Si le mécanicien, le forgeron et le charron refusent de livrer leurs produits autrement que contre de l’argent comptant ; ce n’est peut-être pas qu’ils se défient de la solvabilité future du cultivateur ou du fabricant, c’est qu’ils ne sont pas en mesure de faire des avances, qui appauvriraient leur capital et les mettraient bientôt hors d’état de travailler. Que chacun donc, en délivrant sa marchandise, puisqu’il a confiance dans la solvabilité future de celui qui la demande, exige seulement, au lieu d’argent comptant, un billet dont il se servira à son tour près de ses fournisseurs. À cette condition, la circulation se rétablira et le travail aussi. Oui : mais il faut être sûr pour cela que les billets acceptés en payement seront reçus dans le commerce ; autrement on rentre toujours dans le cas d’une simple avance à découvert. Or, cette certitude, ou n£ l’a pas : on refuse donc de prendre des billets, non parce qu’on en suspecte la