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deviennent moins propres qu’auparavant au service de monnaie. « Pour faire le même achat, il nous faut, dit-il, nous charger d’une plus grande quantité de ces métaux et mettre dans nos poches un schilling au lieu d’un groat (quatre pence)[1]. »

La diminution de valeur de ces métaux dans tout pays pris à part, tend, selon le Dr Smith, à faire, « chacun réellement plus pauvre, » ce qui équivaut à dire : que la facilité accrue d’obtenir le grand instrument fourni par le Créateur pour faciliter l’association parmi les hommes, doit être considérée comme une preuve de pauvreté et non de richesse ! C’est à peine si l’on peut croire que l’homme qui a écrit ces paroles ait étudié le sujet sur lequel il se proposait d’éclairer le monde.

Comment il se fait que l’idée, tellement universelle parmi les hommes, que richesse, bonheur, progrès sont associés avec l’augmentation de la quantité de monnaie, soit une idée tellement erronée, le voici, à ce qu’on nous affirme.

La hausse du prix en argent de toutes les denrées et marchandises, qui, dans ce cas, est une circonstance particulière à ce pays, tend à y décourager plus ou moins toute espèce d’industrie au dedans, et à mettre les nations étrangères à portée de fournir presque toutes les diverses sortes de marchandises pour moins d’argent que ne le pourraient faire les ouvriers du pays, et par là de les supplanter non-seulement sur les marchés étrangers, mais même sur leur propre marché intérieur[2].

La réponse à ses assertions se trouve dans le fait que dans tous les pays vers lesquels ces métaux précieux coulent, il y a tendance constante au rapprochement des prix, — ceux des denrées brutes de la terre s’élevant, et ceux des utilités achevées s’abaissant, — et les pays eux-mêmes devenant les meilleurs marchés sur lesquels vendre et acheter ; comme le prouve le cas de l’Angleterre dans le passé, et de la France et de l’Allemagne dans le présent. La théorie et les faits ne sont point en harmonie, et pourtant c’est sur cette supposition de faits qui n’ont jamais existé, et qui ne peuvent jamais exister, qu’est basée tout entière la célèbre argumentation au sujet de « la balance du négoce. »

  1. Richesse des Nations.
  2. Ibid., livre IV, chap. v.