Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/65

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déjà citées. « C’est un pays de contrastes » et qu’en même temps que son système social s’applique à favoriser le développement du commerce, son système politique tend, autant qu’il est possible, à l’anéantir. Pour entretenir un vaste établissement maritime et militaire, on exige des contributions pécuniaires exorbitantes ; et cependant tout onéreuses qu’elles sont, elles sont moins funestes que le fait d’arracher chaque année aux travaux des champs et de l’atelier une portion si considérable de la population jeune ; et précisément à l’époque où leurs habitudes pour toute la vie doivent être déterminées. En outre, les exigences de l’État empêchent la libre circulation du travail, chacun étant obligé de prendre part aux chances de la conscription, et au lieu même où il peut avoir été enrôlé. Pour les besoins de la police on exige de chaque ouvrier qu’il se pourvoie d’un livret, ou petit registre, sur lequel son patron inscrit des renseignements sur sa moralité ; et s’il ne produit pas ce livret, il s’expose à être puni comme « vagabond ». Le résultat nécessaire d’une pareille mesure est de rendre les travailleurs, dans une certaine mesure, esclaves de ceux qui ne travaillent pas ; le patron pouvant toujours formuler les renseignements qu’il inscrit de manière à mettre ses confrères les capitalistes en garde contre les ouvriers qui lui paraissent trop strictement attachés à leurs droits ; et l’ouvrier ainsi privé de travail à l’intérieur, se trouvant privé, légalement, du pouvoir de chercher du travail à l’étranger[1].

Ce n’est là, cependant qu’une faible partie des entraves qui paralysent le commerce ; la centralisation est générale et agit partout, amenant la déperdition de ces facultés physiques et intellectuelles, qui représentent les subsistances et les moyens de vêtements consommés. Rien ne peut se faire sans l’intervention de l’État ; et l’on peut voir les conséquences qui en résultent dans ce fait, que chaque jour le pouvoir est exercé en pure perte, bien plus qu’il n’est appliqué avec avantage[2].

  1. Quiconque, dans le but de nuire à l’industrie française, aura fait passer en pays étranger des directeurs, des commis ou des ouvriers d’un établissement, sera puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans, d’une amende de 50 fr. à 300 fr. (Code pénal, art. 417, cité, Journal des Économistes, juin 1856, p. 351).
  2. Les extraits suivants donneront au lecteur quelque idée de la nature de ces interventions :
      « Toute la frontière est comprise dans l’action de la loi qui interdit la construction