Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/67

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quoi le peuple français se fait remarquer, à un si haut degré, par sa crainte de l’excès de population, et sa préoccupation de débouchés pour les produits de ses manufactures.

La centralisation empêche le commerce à l’intérieur, et à cause de cette absence de commerce, les terres fertiles de la France restent jusqu’à ce jour sans être drainées ni mises en culture. « Il existe, à cette heure, dit un voyageur moderne, un pressant besoin de tout l’excédant de travail français, pour les 40 années futures, excédant qui doit s’absorber seulement dans un drainage convenable de son sol. Faute de ce drainage, des districts entiers sont submergés ou transformés en marais, pendant les trois ou quatre mois qui s’écoulent entre novembre et avril ; et ces marais deviennent des obstacles au travail, chargent l’air d’une humidité malsaine et rendent les paysans tributaires des fièvres et autres maladies. Le drainage seul accroîtrait annuellement le produit annuel, la richesse, et, en fin de compte, la population française, en favorisant la santé et répandant l’abondance.

« Il en est de même par rapport au labourage. Le procédé employé n’est pas aussi mauvais ici qu’il l’est en Espagne, où l’un de nos amis a vu pendant cette saison des paysans labourer avec un instrument composé de deux grossiers bâtons, dont l’un (horizontal), se frayait un chemin à travers la terre, comme un porc avec son groin, tandis que l’autre, introduit dans le premier, suivant un angle convenable, servait de manche, dirigé par la main gauche du laboureur, pendant qu’il guidait l’attelage de sa main droite. Avec cette machine, relique du bon vieux temps, le paysan peut avoir tourmenté et irrité, pour ainsi dire, une verge de terrain dans sa journée, à trois pouces de profondeur ; et comme on ne prend aucun souci d’infliger ce procédé à tout champ qui ne peut être arrosé, il peut arriver que, grâce à une chance favorable unie à une culture laborieuse, le cultivateur obtienne une demi-récolte.

« La nature, continue-t-il, a doté la France d’un sol magnifique. Tout considéré, je le préfère à celui de nos États de l’Ouest. Nous possédons beaucoup de terres plus riches au début, mais très peu qui restent telles, aussi bien que le sol français, en dépit des mauvais procédés de culture. La chaux y abonde sous toutes les formes, les chemins de fer traversent souvent des collines d’une