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plus en plus un pur trafic, et les propriétaires se livrent d’année en année, de plus en plus à l’absentéisme, se faisant représenter par des agents plus ou moins enclins à user de leurs pouvoirs pour leur propre avantage, aux dépens du propriétaire d’un côté, et du tenancier de l’autre. Les grands propriétaires — gênés par les hypothèques et les constitutions de rentes, — sont forcés de laisser l’œuvre d’amélioration au tenancier, tout en lui refusant la sécurité d’un bail[1]. Les bâtiments d’exploitation sont mauvais, offrant un contraste fâcheux avec « les commodes et vastes bâtiments de ferme dont la Belgique, la Hollande, le sud de la France et les provinces Rhénanes[2],tous pays où la terre est tenue par petits domaines, et en grande partie cultivée par l’homme qui, — en étant le propriétaire, — est induit de toute manière non-seulement à la tenir en ordre, mais à développer au plus haut point ses pouvoirs de production. Les propriétaires souffrent, car ils reçoivent une faible rente comparée aux prodigieux avantages dont jouit leur terre, d’avoir un marché sous la main pour tous les produits, et aussi un marché où se verse une telle quantité d’engrais provenant du raffinement et de la conversion d’une si grande partie des matières premières du monde. Le travailleur souffre de n’être regardé que comme un instrument aux mains du trafiquant qui le rejettera à tout moment, aussi aisément qu’on rejette un chapeau usé ou un gant. Les salaires sur lesquels il doit entretenir sa famille varient de 6 sch. à 9 sch. par semaine ; — et sur cela il lui faut payer 2 sch. pour le loyer de son cottage ; si bien qu’il lui reste environ 20 cents par jour pour pourvoir à la nourriture, le vêtement et les autres besoins de sa famille, et l’éducation de ses enfants[3].

  1. Caird, English Agriculture, p. 491.
  2. Ibid.
  3. M. Caird (ibid., p. 147), établit ainsi l’entretien par semaine d’une famille :
    1 stone de farine _______ 1 s. 10 d.
    1/2 livre de beurre 0 s. 6 d.
    1 livre de fromage 0 s. 7 1/2 d.
    1/2 once de thé 0 s. 4 1/2 d.
    1/2 livre de sucre 0 s. 2. d.
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    3 s. 6 d.

    Laissant ainsi 2 s. 6 d. par semaine pour l’achat de toutes les autres nécessités de la vie. Dans de telles conditions, il y a peu pour se vêtir. Le commissaire d’assistance, chargé, il y a quelques années, d’une enquête sur la condition des femmes et