Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/143

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moins le montant de la rente s’était tellement accru, qu’il était pour lors a le triple ou le quadruple de ce qu’avait été jadis le total de la production. »

L’abaissement du taux de la quote-part a été admise par Malthus lui-même, lorsqu’il affirme que : d’après les rapports récents au conseil d’agriculture, la moyenne n’excède pas un cinquième ; au lieu qu’auparavant il avait été formellement d’un quart, d’un tiers, ou même d’un cinquième. Et toutefois il voit là une preuve qu’il y a eu accroissement continu de la difficulté d’obtenir 1a subsistance. Le sentiment général, au contraire, était que les hommes vivent mieux que par le passé, — qu’ils ont aujourd’hui de la viande, du pain de froment, du sucre, du thé, du café, au lieu que jadis ils se contentaient d’un pain d’or, de seigle et de glands[1]. Pour combattre ce sentiment, Malthus s’appuie sur ce qu’au lieu de 192 setiers de

  1. Ce fait observé par le docteur Smith était en opposition directe avec le principe général énoncé par lui, en vertu duquel la quote part du propriétaire dans la production croît nécessairement avec l’accroissement de production. Il ajoute : « non-seulement la valeur réelle de la part du propriétaire, le pouvoir réel que cette part lui donne sur le travail d’autrui, augmente avec la valeur réelle du produit, mais encore la proportion de cette part, relativement au produit total, augmente aussi avec cette valeur. Ce produit, après avoir haussé dans son prix réel, n’exigeant pas plus de travail pour être recueilli, qu’il n’en exigeait auparavant, une quote-part plus forte doit par conséquent afférer au propriétaire. (Richesse des Nation, liv. I, ch. xi.)
      Ainsi que le lecteur l’a déjà vu, le docteur Smith avait, longtemps avant M. Ricardo, émis l’assertion que l’homme commence par cultiver les sols riches. Ceci posé, l’écrivain était conduit nécessairement à cette autre proposition « que lorsque tous les sols fertiles furent occupés, le produit à tirer d’un sol inférieur en puissance et en situation, fut moindre. » (Ibid., liv. I, ch. ix.) Telle aurait dû être cependant la condition où se serait trouvée la Grande-Bretagne au moment où il écrivait, — la population s’accroissant avec une rapidité inconnue jusqu’alors et amenant la nécessité ainsi prédite. Les sols de qualité inférieure auraient dû être mis rapidement en culture, — le taux de la quote part du propriétaire aurait dû monter, — les salaires auraient dû baisser ; et pourtant c’est précisément le fait contraire qu’il nous raconte, — il nous dit le taux de la quote part du propriétaire en baisse et les salaires en hausse. Nulle part dans son livre le docteur Smith n’est moins conséquent avec lui-même que dans la partie où il traite du partage des produits du travail ; — son manque de logique provient de ce que, tout en poursuivant l’idée que l’homme doit gagner de plus en plus en liberté, sa théorie de l’occupation de la terre aboutit inévitablement à conclure que l’homme tombe totalement de plus en plus dans l’esclavage. Son livre est un ouvrage remarquable pour l’époque où il a paru ; mais ceux qui se bornent à étudier la science sociale dans la Richesse des Nations commettent la même erreur que ceux qui borneraient leurs recherches en chimie aux ouvrages de Chaptal et de Lavoisier.