Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien même la rue ne serait point asséchée, et quand même la maison couvrirait un marécage à engendrer le typhus[1].

Toute la littérature contemporaine anglaise atteste les mêmes faits. Lisez les ouvrages de Dickens, de Tackeray, ou de Kingsley, ce sont partout des tableaux d’une lutte incessante à laquelle est condamnée, pour soutenir sa vie, toute la partie de la population anglaise qui a besoin de vendre son travail. Les documents officiels nous confirment la triste vérité que, bien qu’on ait acquis le pouvoir de commander les services de la nature, la condition de la population n’a pas été améliorée[2].

Une centaine de mille hommes, employés à produire la bouille et le fer, commandent les services d’un esclave obéissant qui fait l’ouvrage de 600 millions d’hommes, et ne demande en retour ni la nourriture, ni l’habillement, ni le logement ; et néanmoins la lutte pour vivre devient plus pénible à chaque accroissement de richesse et de pouvoir. Pourquoi ? Parce que la politique anglaise a pour base cette idée, que l’intérêt domestique réclame l’adoption de mesures qui tendent à avilir les prix de la terre et du travail chez les autres nations, et qui conduisent à l’asservissement de l’homme chez toutes celles qui se soumettent à cette politique. Heu-

  1. Brace
    . Walks among the Poor of Great-Britain, publié in the New-York Daily Times.
  2. « Les scènes parmi lesquelles nous avons promené le lecteur sont assurément des représentations fidèles de ce qu’on peut appeler le monde du pauvre. Ce monde, pour lui, est presque toujours croupissant, sale, affreux. Trop souvent il manque du confort d’un home, d’un logis. Lui, sa femme et sa petite famille sont exposés aux influences délétères d’un mauvais air, d’une eau mauvaise ou aux miasmes d’une localité rurale mal drainée. La mortalité sévit rudement dans cette classe. On laisse périr, par année, des milliers d’êtres qu’on préserverait de la maladie et de la mort à moins de frais qu’il n’en coûte pour la guerre la plus économiquement conduite. Les enfants de cette classe grandissent non-seulement affaiblis dans leurs corps, mais négligés dans leur intelligence. Un million ne reçoit aucune éducation ou en reçoit une qui n’a aucune valeur ; et de ceux qui arrivent à un apprentissage, bien peu se rappellent ce qu’ils ont appris à l’école. On compte par millions dans cette classe ceux qui négligent plus ou moins la plus simple pratique extérieure des devoirs religieux. En résumé, comme on l’a dit, il existe deux nations dans le même royaume : l’une pauvre, ignorante et souffrante ; l’autre confortable, passablement instruite et qui mène bonne vie. Mais le nombre des nécessiteux, des indigents, est bien autrement considérable que celui des gens à l’aise, au-dessus du besoin ; la classe riche et ayant de l’éducation présente un nombre insignifiant, comparée à la classe pauvre et ignorante. » — Inquiry into the War with Russia, by an English Landowner, ch. VI.