Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/279

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diriger les forces de la nature, comme préparation à l’œuvre de gouverner ses passions et lui-même.

L’homme devient un être responsable, — véritablement un homme, à mesure que la terre se divise et qu’il gagne en liberté. — Il perd cette responsabilité dès que la terre se consolide et qu’il tombe dans l’asservissement. Dans un cas, la société tend graduellement à prendre la forme naturelle que nous avons décrite, — son mouvement s’accélère et se régularise, — le commerce croit constamment et l’agriculture passe de plus en plus à l’état de science, — la nécessité des services du trafic diminue, — il y a rapprochement entre les prix des matières premières et ceux des utilités achevées, — chacun de ces phénomènes fournissant la preuve concluante d’un progrès en civilisation. Dans l’autre cas, la société perd graduellement ses véritables proportions, — son mouvement devient capricieux et irrégulier, — le commerce décline et le trafic gagne en pouvoir, — l’agriculture devient de moins en moins une science, — l’écart se prononce davantage entre les prix des matières premières et des utilités achevées, — chacun de ces phénomènes et leur ensemble fournissant la preuve d’une civilisation qui décline.

Dans l’une, chez les hommes et chez les femmes, se développent la pensée et la réflexion, — on recherche le mariage surtout pour le désir de jouir des conforts d’un logis et d’une famille. Dans l’autre, les deux époux sont sans prudence, — on recherche l’union des sexes comme un moyen de satisfaire la passion ; c’est aussi l’unique jouissance qui soit légalement à la disposition du pauvre.

§ 4. — L’accroissement de population modifié par le développement de ce sentiment de responsabilité qui vient avec la propriété de la terre. Faits que présentent à l’observation les pays du centre et du nord de l’Europe. — Ceux où les emplois vont se diversifiant de plus en plus, et où s’opère le rapprochement entre les prix des denrées premières et des utilités achevées.

« La division de la terre, dit un des récents voyageurs anglais les plus distingués par leur esprit d’observation et leur philosophie, après une étude attentive des principales nations de l’Europe, la division de la terre apporte à l’excès de population et à sa conséquence, la ruine de la société, un frein qui fait complètement défaut dans l’autre système social. Dans les arts, dans les branches de l’industrie manufacturière même les plus utiles et nécessaires, la demande pour des travailleurs n’est pas une demande visible, connue, continue, appréciable ; mais elle l’est dans l’agriculture sous notre condition sociale. Le travail à faire, la subsistance que le travail obtient du sol auquel il s’applique, ce sont choses que l’on voit, ce sont des éléments familiers à l’homme qui calcule ses moyens d’existence.