Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien qualifiée, la philosophie du désespoir sur une politique de ruine[1].

§ 5. — La responsabilité croît avec l’accroissement des dons que l’homme tient de Dieu. Le pauvre travailleur, l’esclave des circonstances est pourtant tenu responsable de ses actes. Tendance de la doctrine Malthusienne à décharger le riche et le puissant du fardeau de responsabilité pour le jeter sur le pauvre, le faible et l’homme sans lumières.

La responsabilité croît avec l’accroissement des dons que l’homme tient de Dieu. — Celui qui est riche dans le développement de son pouvoir et qui par conséquent est capable d’exercer de l’influence sur le mouvement sociétaire, est responsable envers son prochain et envers son Créateur du plein et exact accomplissement de ses devoirs. Le pauvre travailleur, au contraire, est l’esclave de circonstances sur lesquelles il n’exerce point d’empire ; il se lève sans même savoir s’il trouvera son pain quotidien, et il s’endort sans avoir soupé, parce qu’il s’est trouvé que la société n’avait pas besoin de son travail, et qu’elle ne lui a point donné place à la table dressée pour l’humanité entière. Le lendemain, le surlendemain il répète l’épreuve, — il ne trouve pas davantage à échanger ses services contre l’aliment et rentre à son misérable abri, où l’attendent les demandes d’une femme et d’une famille qui pleurent de faim. Dans son désespoir, il vole un pain, — c’est à lui que la société alors demande un compte rigoureux, tandis qu’elle dégage de toute responsabilité ceux qui ont le pouvoir, jalouse qu’elle est de maintenir l’existence des grandes lois naturelles, en vertu desquelles une grande partie de la population en tous pays doit régulièrement « périr de besoin. »

Qu’il y ait une grande somme de vice et de misère dans le monde, c’est un fait incontesté ; quelles en sont les causes ? là-dessus on discute : on n’a pas déterminé davantage qui est responsable ; et s’il existe ou n’existe pas un remède. M. Malthus dit que c’est la conséquence naturelle d’une loi divine et par conséquent inévi-

  1. Selon M. Mill, Principles, liv. IV, ch. ii. « On peut se demander si toutes les inventions mécaniques ont allégé la journée de travail de la créature humaine. Elles ont servi à ce qu’une grande partie de la population mène une vie de corvée et d’emprisonnement, et à augmenter le nombre des manufacturiers qui font de grandes fortunes. — Ce triste résultat, — résultat constaté, — il l’attribue à une tendance excessive à la procréation ; mais M. Mill aurait été bien plus près de la vérité, s’il l’eût attribué à la tentative de monopoliser l’atelier du monde, — qui, au-dehors de la Bretagne, arrête le développement de l’agriculture, et produit dans le royaume lui-même tous les maux prédits par Adam Smith. Devant la condition actuelle de tous les pays non protégés, il pouvait aller plus loin — et affirmer que la condition de la race humaine a subi une détérioration depuis le jour qui a vu la première application de la vapeur à la fabrique des étoffes et du fer. On pourrait affirmer le contraire pour tous les pays protégés de l’Europe centrale et occidentale. »