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ferme, qui n’atteindraient jamais ces pays, s’ils n’avaient soumis cette condensation d’ensemble, que recommande sagement l’auteur de la Richesse des Nations. Cela étant, c’est une grande erreur de dire que l’agriculture française a cessé d’être protégée. Toute la protection qu’il faut partout à l’agriculture, c’est qu’on mette le débouché à sa porte, c’est qu’on la mette en mesure d’entretenir les pouvoirs de la terre et de s’affranchir de l’énorme taxe de transport, — en comparaison de laquelle toutes les autres taxes ne sont rien.

Dans l’intention d’édifier ses amis du monde agricole sur le peu de sujet qu’ils ont de craindre la concurrence des subsistances venant de l’étranger sur leur propre marché, M. Chevalier leur présente un tableau très-étudié du système épuisant que l’on fait aujourd’hui dans ces États-Unis, — qui ont adopté pour règle de tirer journellement sur la grande banque ouverte par la nature pour le service de l’homme, — et de ne lui rien payer en retour. « Le résultat comme il montre, est de limiter singulièrement les excédants disponibles pour la population non agricole du pays, même à plus forte raison pour l’étranger [1]. »

Nous avons ici deux grands faits établis:d’abord, que là où manque le débouché domestique, il doit y avoir peu à vendre; et par suite que ce peu doit être vendu bon marché, à cause du coût énorme du transport[2]. Le fermier français est exempt de ces deux maux, — il est en mesure d’amender sa terre, et affranchi

  1. Examen du système commercial, p. 212.
  2. À la page 318, précédemment, le lecteur a un tableau comparé de la production des diverses céréales dans les années 1840 et 1847 — qui montre une augmentation de plus de 40 p. % dans les quelques années où les fabriques de coton, de fer et d’autres produits avaient fait des progrès si extraordinaires sous le tarif protecteur de 1842. Dans les onze années suivantes, la politique américaine a tendu à la destruction des manufactures, ce qui fait que le nombre d’individus engagés dans les principales branches de l’industrie de conversion est moindre aujourd’hui qu’il ne l’était alors, et pourtant la quantité totale des céréales produite dans l’année courante n’est évaluée qu’à 1.100.000 boisseaux, c’est-à-dire seulement 25 p. % de plus qu’en 1847. Dans les périodes de protection, l’augmentation a été deux fois plus grande que celle de la population. Dans celles du libre-échange, elle est d’un cinquième au-dessous de celle des bouches à nourrir. D’où il suit que la faculté d’acheter les utilités étrangères diminue à mesure qu’augmente la nécessité de les acheter, — la marche des choses aux États-Unis étant précisément la même que celle observée en Irlande, dans l’Inde, en Turquie et dans tous les autres pays de libre-échange.